LES CONSULTATIONS DE PATYJI
Ce matin, Patyji est ronchon. C’est la première fois que je vois son visage sans sourire et je suis choquée. Même quand il dort, il sourit.
— Que se passe-t-il Patyji?
— Quelqu’un m’a souhaité «Joyeuses Pâques».
— C’est cela qui te met de mauvaise humeur?
— Oui, la bêtise me met toujours de mauvaise humeur.
— Quelle bêtise?
— La bêtise des gens intelligents.
— Euh… Tu peux développer?
Il reste silencieux trois secondes, puis il prend une grande respiration et me sourit. Je retrouve le sage lumineux que je connais.
— Merci de m’avoir posé la question, je me perdais dans un espace sombre. Tout cela n’a pas d’importance.
Il a piqué ma curiosité, j’insiste:
— Qu’est-ce qui n’a pas d’importance, Patijy? Pourquoi le fait de te souhaiter de joyeuses Pâques t’a-t-il chagriné?
— C’est quoi, Pâques?
— La célébration de la passion du Christ, mort en croix pour transcender nos péchés, récité-je scolairement les réminiscences des quelques heures de cathéchisme de mon enfance.
— «Joyeuse» la torture d’une crucifixion?
Je reste bouche bée, la tartine figée dans la main. Patijy boit sereinement une gorgée de chaï. Il reprend, avec son sourire malicieux.
— Mais est-ce tout? Le Christ mort en croix et puis plus rien?
— Nnnon… Trois jours plus tard, il monte au ciel? dis-je avec hésitation, ma mémoire étant floue quant à la suite de l’histoire.
— Il ascensionne dans son corps de lumière. Elle est là, la joie de Pâques. Dans cette transformation. Ce message-là est mal entendu et c’est ce qui m’a chagriné un instant, mais ça n’a pas d’importance. Les gens entendent ce qu’ils sont prêts à entendre, voient ce qu’ils sont prêts à voir. Chacun son chemin, c’est juste que je suis parfois impatient avec les sourds et les aveugles.
Je le regarde de travers et il éclate de rire.
— Hé, je suis un humain, moi aussi! J’ai mes défauts et mes faiblesses. Et puis d’abord, sers-moi un café. J’aime le café, figures-toi.
— Merci, Patyji, lui dis-je en lui posant une tasse de café odorant sur la table, moi aussi, j’avais en tête la crucfixion en pensant à Pâques; je vais désormais changer l’image et célébrer le corps de lumière. Bien plus joyeux! Combien de sucres, dans ton café?
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