Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

mardi 28 août 2012

Les petite aiguilles


Et puis il a craché son venin une dernière fois. Dans un dernier soupir, il a dit: "faites qu'elle ne vienne pas", car celle qui l'avait remplacée, "la passion encore à vivre" pour laquelle il l'avait répudiée eût été mal à l'aise de sa présence d'épouse toujours légitime.

Et tous, par respect pour les dernières volontés d'un moribond, ont tu la nouvelle. Ainsi, tous se sont rendus complices d'un ultime mépris; et l'autre a pu se vivre veuve éplorée en toute quiétude et grandes eaux. Inconscients du mal qu'ils ont fait, croyant bien faire, recueillis dans la peine de la perte du cher disparu. La peine de la perte ou la peur de leur propre mort? Les enterrements font souvent cet effet-là.

Les fulgurantes et minuscules aiguilles du mépris sont venues se ficher son coeur; elle avait baissé sa garde, elle ne s'y attendait plus. Elle se croyait à l'abri, au loin, d'une blessure encore possible, alors elle ne s'est pas méfiée de ces petites pointes rouges, au début. Quand elles ont chauffé, ah oui, elle a retrouvé d'un coup la sensation. La séparation brutale, les mots durs, les mensonges, la manipulation et la mauvaise foi. La douleur, ah, cette douleur qui n'en finissait pas!

Elle a été envahie d'une grande tristesse face à l'image virtuelle des amis et de la famille, unis dans cet ultime conspiration contre elle. Mais pourquoi tant de haine?

Et puis la douleur s'est calmée.

Du bout des ongles, elle a attrapé les petites aiguilles une à une et les a délicatement retirées de son coeur. Elles étaient si petites et si brûlantes qu'elles ont instantanément cautérisé la plaie, et pas une goutte de sang n'a été gaspillée. Elle les a placées dans la poubelle en souriant.

Elle a levé la tête, elle a trouvé qu'il faisait vraiment radieux. Elle a inspiré l'air doux à plein poumons. Les petites aiguilles étaient déjà du passé.