Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

samedi 6 juin 2015

Le pouvoir suprême

Dans l'état actuel des choses, le plus grand pouvoir est celui de l'achat. Tout dépend de lui. Le système complet repose sur la consommation, n'est-ce pas?

Et qui détient ce pouvoir suprême?

Je dis «le pouvoir d'achat», en fait, ce serait plutôt le pouvoir de non-achat, et si nous commencions à l'utiliser en masse, nous ferions sacrément basculer les choses. Ce qui me fascine le plus, en ce moment, c'est ce sentiment d'impuissance au niveau de la masse alors que justement, la masse détient le pouvoir suprême.

Même histoire qui se répète. Combien de fois n'a-t-on pas dit que dans les camps de concentration, il y avait un nombre incroyablement restreint de gardes face à une masse docile et qu'un simple mouvement de foule en serait aisément venu à bout. 

Combien de chiens pour mener un troupeau de moutons? Et pour commencer, un chien de berger est plus petit qu'un mouton. C'est juste qu'il aboie fort et que les moutons se suivent. Mais imaginons deux secondes que les moutons soient autonomes et non effrayés par le bruit.

Voyons, où en étais-je? Ah oui, le pouvoir suprême...

Celui qui pourrait bien nous amener au grand boycott.









dimanche 19 avril 2015

Si vis pacem, para pacem

LES CONSULTATIONS DE PATYJI

C’est une jeune femme d’une trentaine d’années qui consulte Patyji ce dimanche.

— Je suis déprimée, ô grand Sage et Vénérable Patyji.
— Qu’autorises-tu à influencer ainsi ton humeur, padawan respectée?

La femme met quelques secondes à comprendre la question.

— Mais je n’autorise rien du tout, ce sont les autres qui me dépriment!

Elle fait la liste de tout ce qui la chagrine. Elle commence par ses études prenantes qui l’épuisent, des petits conflits familieux, des soucis de coexistence avec des collègues dans son job alimentaire abrutissant, puis elle embraye sur la marche du monde et elle finit par lâcher le gros morceau:

—…et il va y avoir une troisiième guerre mondiale, c’est inévitable.
— Ah bon? Comment sais-tu cela?
— Mais parce que! Ça recommence comme avant la seconde, le scénario se répète. Le système financier va mal, certains continuent à s’enrichir de façon indécente pendant qu’il y a de plus en plus de pauvres et quand ça va s’effondrer, il y aura la guerre.

Patyji l’écoute attentivement, la finance est un domaine qu’il ignore totalement.

— Quel rapport, douce padawan apeurée, entre le système financier et la guerre?
— Il n’y a qu’une guerre mondiale pour mettre fin à la crise. Ça s’est toujours passé comme ça.
— Non, tu fais erreur. Ça s’est passé une fois comme ça, la dernière fois. La fois d’avant, c’était une guerre géo-politique pour des histoires de frontières; mais ne parlons des raisons idiotes qui génèrent les conflits armés, j’entends que par-dessus tout, tu as peur de la guerre.
— Oui, dit-elle, dans un souffle. En tout cas, s’il y a la guerre, je pars. Je vais dans un autre pays, dit-elle irrationnellement, car si la guerre est mondiale, c'est de planète qu'il faut changer.
— C’est un plan qui devrait te rassurer.

Elle réfléchit un instant.

— Oui… et non. Je voudrais que les gens que j’aime échappent à la guerre, je voudrais que personne ne fasse la guerre.
— C’est une intention louable. Alors si tu veux la paix, cultive la paix et cesse de craindre la guerre.
— Mais elle va avoir lieu!
— Quand?
— Je ne sais pas, bientôt!

Patyji plante son doux regard noir dans les yeux transparents de la jeune fille. Il la submerge d’amour et dit d’une voix très douce:

— Tu choisis de croire à la guerre, tu génères ainsi une peur que tu nourris et que tu aimes. Cherche pourquoi.
— Ce n’est pas une croyance, ce sont des faits! L’humain restera toujours l’humain égoïste qui veut écraser les autres. C’est impossible que ça change, ça a toujours été comme ça!
— Faux. Tu as à peine trente ans d’une mémoire terrestre fragmentée, l’humain est bien plus riche que ta vision de lui. Mais je le répète: cherche pourquoi tu as peur de la guerre.
— Parce que je suis réaliste! Elle va arriver!

Le velour noir des yeux de Patyji est chargé de compassion. Elle soutient son regard et lentement, l’énergie d’amour fait son chemin en elle. Elle se calme et ouvre son esprit. 

— J’ai peur de la guerre en moi.

Patyji ne dit toujours rien tandis que la jeune femme plonge un regard sincère en elle.

— J’ai peur de mon égoïsme, admet-elle, j’ai peur de devenir sauvage si mes besoins ne sont pas satisfaits. J’ai peur de la pauvreté et du manque…

S’ensuit un long échange où elle révèle des blessures passées, des peurs encore actives, des trahisons, un sentiment d’abandon. Au fur et à mesure qu’elle parle, elle se rend compte que ses problèmes ne sont ni pires ni moindres que ceux des autres. Elle elle lâche la pression, elle pleure un peu puis se calme et respire amplement. 

— As-tu toujours peur de la guerre, demande Patyji?

Elle réfléchit aux choix de ses mots avant de répondre:

— La guerre se nourrit de la peur, n’est-ce pas? Si je me connecte à mon courage et que je n’ai plus peur, alors la guerre ne peut exister. Et si tout le monde fait pareil…
— Bravo! Tu as compris à quoi sert la peur: à contacter son courage. J’ai une autre question: d’où émane cette peur?

Elle avait le nez baissé sur son mouchoir qu’elle triturait et soudain, elle lève la tête et plante son regard dans les yeux de Patyji:

— Mais elle n’est pas à moi! dit-elle impulsivement.

Puis elle veut se reprendre, mais Patyji tape des mains:

— Encore bravo! Tu comprends plein de choses aujourd’hui!

Elle analyse ce qu'elle vient de dire.

— Mais alors, à qui est cette peur? demande-t-elle.
— Elle est dans l’atmosphère. Les égrégores du moment sont chargés d’une hypnose collective qui influence les gens et qui leur fait parfois penser ou faire des choses qui ne leur ressemblent pas. Le monde est en mutation —on en discutera une autre fois—, c’est important d’en avoir conscience et de laisser passer les idées qu’on ne veut pas. Celui qui a dit un jour: «si tu veux la paix, prépare la guerre» était un grand béligérant. Il n’y a rien de plus faux. Si tu veux la paix, prépare la paix. Fais-la en toi pour commencer, puis autour de toi. Maintiens-là en toi et laisse-la ensuite contaminer le monde. C’est un plan difficile, car maintenir la paix en soi exige une vigilance de tous les instants. Cela dit, tu sais désormais ce que tu as à faire.

La jeune femme a perdu dix ans sur son visage et grandi de trois centimères. Elle semble patiner sur le sol quand elle s’en va, légère et rassurée.

Patyji glisse les deux balles dans tirelire.














dimanche 5 avril 2015

Joyeuses Pâques

LES CONSULTATIONS DE PATYJI

Ce matin, Patyji est ronchon. C’est la première fois que je vois son visage sans sourire et je suis choquée. Même quand il dort, il sourit.

— Que se passe-t-il Patyji?
— Quelqu’un m’a souhaité «Joyeuses Pâques».
— C’est cela qui te met de mauvaise humeur?
— Oui, la bêtise me met toujours de mauvaise humeur.
— Quelle bêtise?
— La bêtise des gens intelligents. 
— Euh… Tu peux développer?

Il reste silencieux trois secondes, puis il prend une grande respiration et me sourit. Je retrouve le sage lumineux que je connais.

— Merci de m’avoir posé la question, je me perdais dans un espace sombre. Tout cela n’a pas d’importance.

Il a piqué ma curiosité, j’insiste:

— Qu’est-ce qui n’a pas d’importance, Patijy? Pourquoi le fait de te souhaiter de joyeuses Pâques t’a-t-il chagriné? 
— C’est quoi, Pâques?
— La célébration de la passion du Christ, mort en croix pour transcender nos péchés, récité-je scolairement les réminiscences des quelques heures de cathéchisme de mon enfance.
— «Joyeuse» la torture d’une crucifixion?

Je reste bouche bée, la tartine figée dans la main. Patijy boit sereinement une gorgée de chaï. Il reprend, avec son sourire malicieux.

— Mais est-ce tout? Le Christ mort en croix et puis plus rien?
— Nnnon… Trois jours plus tard, il monte au ciel? dis-je avec hésitation, ma mémoire étant floue quant à la suite de l’histoire.
— Il ascensionne dans son corps de lumière. Elle est là, la joie de Pâques. Dans cette transformation. Ce message-là est mal entendu et c’est ce qui m’a chagriné un instant, mais ça n’a pas d’importance. Les gens entendent ce qu’ils sont prêts à entendre, voient ce qu’ils sont prêts à voir. Chacun son chemin, c’est juste que je suis parfois impatient avec les sourds et les aveugles.

Je le regarde de travers et il éclate de rire.

— Hé, je suis un humain, moi aussi! J’ai mes défauts et mes faiblesses. Et puis d’abord, sers-moi un café. J’aime le café, figures-toi.
— Merci, Patyji, lui dis-je en lui posant une tasse de café odorant sur la table, moi aussi, j’avais en tête la crucfixion en pensant à Pâques; je vais désormais changer l’image et célébrer le corps de lumière. Bien plus joyeux! Combien de sucres, dans ton café?






jeudi 5 mars 2015

Jour 100

LE RÊVE

Me voilà au soir du centième jour, défi relevé!

Un de ces jours, je m’amuserai sûrement à relire ma prose, mais de mémoire, je sais que je suis contente du monde que je viens créer. Je pense avoir peint la toile de fond et disposé quelques les grandes lignes dans une belle perspective. Ça tient debout. Il manque le fignolage, les petits détails, et puis surtout… il manque vous. Les autres. Sans vous, mon monde n'est rien.

Et comme je ne suis que cocréatrice et que la suite dépend aussi de vous, la suite va forcément être mille fois plus jolie.

Rendez-vous donc dans la réalité.
Je me réjouis déjà.


Fin.


mercredi 4 mars 2015

Jour 99

LE RÊVE

— Mamie, pourquoi tu n'écris pas un livre avec toutes tes mémoires? Ce serait bien que les gens se rappellent de comment c'était avant, pour ne pas y retourner.

Si elle savait, cette enfant... Je ne lui ai pas raconté le dixième de la réalité du passé que je connais. Je lui ai épargné les horreurs de la guerre, j'ai juste dit que c'était horrible. J'ai omis de parler qu'après le dernier armistice en Europe, la guerre s'est étendue sur la planète. Une sale guerre de pouvoir sous des apparences de paix et de pseudo démocratie. Je n'ai pas donné de détails sur le côté sombre de l'âme humaine ni jusqu'où nous sommes collectivement allés, d'abord parce que je ne suis pas sûre d'avoir tout vu.

— Non. Tout cela avait un but, celui de nous faire explorer toutes les facettes de la conscience. Tu as entendu parler du calendrier maya?
— Oui, la fin du monde.
— Je crois plutôt à une fin de parcours. Une très jolie théorie qui avait du sens disait que le calendrier datait l'aventure de la conscience humaine. De fermée à son incarnation dans le physique il y a des millénaires et des millénaires, elle s'est lentement ouverte jusqu'à devenir consciente d'elle-même grâce à l'humain. Un jour, nous avons fait le tour, nous avons exploré tous les possibles dans cette dimension. Forts de nos expériences mémorisées dans notre ADN, il était temps de passer à l'autre niveau, celui de l'amour inconditionnel et de l'unité. Plus de dualité, plus de lumière sans ombre, plus de conditions à l'amour. Nous sommes dans cette transition et je crois nécessaire et indispensable d'oublier pour justement, ne pas y retourner. Tant que nous nous accrochons à nos funestes mémoires, nous conservons un niveau bas de vibration. Pour expérimenter l'amour vrai, même la mémoire doit être effacée en nous. Je parle de la mémoire consciente, la mémoire organique est indélébile. Tout ce que nous avons vécu est inscrit quelque part, il ne nous reste que les leçons apprises. La magistrale leçon des années sombres est que la haine est limitée. Puissante, mais limitée. C'est le jour où j'ai compris cela que j'ai choisi le côté lumineux. Pas par bonté d'âme, par simple calcul. J'ai choisi le camp du plus fort.

Elle me regarde intriguée. Je souris.

— C'est pour rire?
— À moitié. J'avoue que mon choix a été motivé par cela un moment, et puis quand j'ai vu que c'était tout de même bien plus agréable, j'ai tenu bon. Ce n'est pas le plus facile, du moins quand nous étions dans cette densité, mais c'est de loin le plus agréable et le plus fort. On ne peut rien contre l'amour. C'est la force la plus puissante de l'univers, au moins, nous sommes en train de comprendre cela. On verra de quoi nous sommes capables dans cette dimension, nous n'en sommes qu'au début de l'exploration, mais avoue que jusqu'ici, c'est plutôt bien`
— Oui, sauf quand tu me racontes le passé. Tu as raison, c'est mieux d'oublier, je me sentais presque triste. Ça ne m'arrive plus jamais.
— C'est vrai, oublions. Viens, on va se baigner dans l'eau chaude, ça éliminera les vilaines vibrations que nous venons de créer.








mardi 3 mars 2015

Jour 98

LE RÊVE

— Mamie, c'est quoi, le Réseau? me demande mon arrière petite-fille de douze ans. 

Je suis surprise de sa question, elle vit dedans!

— C'est ça, lui réponds-je en faisant un geste qui désigne alentour. C'est notre façon de vivre, les maisons, les gens, les déplacements, les partages... Le Réseau, c'est le nom qu'on a donné au début où ça a commencé.

— Ah bon, c'était comment avant le Réseau?

Je lui raconte alors le passé. Je remonte dix ans après la guerre, mon année de naissance. Une époque que je n'ai pas vraiment connue, et ensuite les années soixante et septante, mon adolescence. Peace and love, les trente glorieuses et puis la lente glissade dans un chaos de fin de civilisation. On s'y laissait glisser comme dans une torpeur, on n'y croyait pas, on se disait qu'on allait se réveiller, c'est sûr. Qu'après les horreurs de la guerre, il n'y aurait «plus jamais cela», mais «cela» a duré longtemps: les horreurs et le déni des horreurs. Et puis ce ne fut plus possible de ne pas voir, parce que tout est venu tranquillement au grand jour. Un peu trop tranquillement, d'ailleurs, on banalisait au fur et à mesure. 

J'édulcore un peu pour Ayla, une enfant des temps nouveaux, j'estime qu'il n'est pas indispensable de savoir jusqu'où nous avons osé aller. C'est inscrit dans son ADN avec la programmation «ça, c'est fait», les générations futures n'y retourneront pas. 

— C'est affreux, ça devait être horrible à vivre, me dit Ayla.
— Oui, aujourd'hui on trouve cela innommable, mais c'était notre quotidien, on était habitué.
— Comment peut-on s'habituer à cela? C'était dur. Tu crois que ça pourrait nous arriver à nous?
— Je suis convaincue que non. L'humain est configuré pour progresser. Les horreurs, on les a longuement expérimentées, mais l'amour, c'est très nouveau. On va en avoir pour quelques millénaires à en faire le tour, je pense, et c'est tellement bon qu'à mon avis, personne ne voudra ni ne pourra retourner dans les basses vibrations. La conscience ne retourne pas en arrière. 

Je lui raconte aussi tout ce qui était bien alors. Le fait de vivre dans un monde difficile nous a obligés à explorer toutes nos facettes intérieures, à faire des choix conscients. La générosité n'était pas partout comme aujourd'hui, alors quand on la rencontrait, c'était du bonheur! Les gens devaient lutter pour être bons. Aujourd'hui, ce qui choque, c'est quand la générosité est faible. Plus jamais on ne rencontre des gens purement égoïstes qui n'ont aucune considération pour les autres.

— Comment ça, égoïstes?
— Une personne qui se croit le centre de tout, qui pense que les autres doivent subvenir à ses besoins à elle. Quelqu'un qui ne sait pas partager, qui ne comprend pas les problèmes des autres, qui a besoin qu'on s'occupe d'elle.
— Ah, un bébé.
— Oui, un bébé. L'égoïsme est naturel à trois ans, quand l'enfant comprend qu'il est un individu distinct des autres. Quand il prend un jouet, il le considère à lui et c'est une atteinte à son intégrité que de le lui enlever. Mais le parent bienveillant va lui enseigner que le jouet n'est pas lui et qu'il peut non seulement le prêter, mais qu'il va gagner quelque chose à le faire.
— Oui, il ouvre son cœur.
— Voilà. Alors il y avait des gens, avant, qui n'avait pas compris cela et qui restaient égoïstes en grandissant. 
— Ils étaient malades, alors... dit-elle avec tristesse.

Je la regarde avec tendresse. Que suis-je en train de lui raconter? 

— Tu sais, ce monde difficile, c'était parce que nous étions en train de changer, de grandir. Comme un enfant, mais pour tout une société. Nous cherchions les limites, les valeurs. Il y a eu une période de grand n'importe quoi pendant laquelle une grande partie des gens ont pu mettre en place autre chose, une façon de vivre qui corresponde à nos besoins essentiels. Des gens qui avaient compris que les humains sont tous pareils et nos besoins sont tous les mêmes. Alors le Réseau s'est créé grâce aux gens qui voulaient vivre en paix les uns avec les autres. Et voilà. Aujourd'hui, tout le monde vit ainsi. Tout le monde est heureux. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus de problèmes ni de conflits, mais il n'y a plus de haine. 

Elle a soif de savoir, alors je lui raconte encore l'ancien monde. Les gouvernements, les lois, la police, la prison. Elle s'étonne, s'attriste et puis se réjouit quand elle comprend que la vie qu'elle vit aujourd'hui émerge de l'humus puant mais fertile de mon passé. 

— Tu as été très malheureuse, Mamie?
— Très! lui dis-je en éclatant de rire. 

Elle fait des yeux ronds.

— Ah oui, j'ai été très malheureuse, mais tu sais, j'ai longtemps aimé le drame, alors j'étais servie. Et puis tout ce drame a servi à me faire aimer l'amour. Et puis j'ai été très heureuse, aussi. Un jour, j'ai décidé d'être en paix, et je l'ai été, et pourtant, c'était pendant la période la plus chaotique d'avant le changement. Les gens étaient fous! La logique avait disparu, on faisait et on disait tout et n'importe quoi. J'étais à la fois fascinée et amusée. D'avoir choisi la paix m'a permis de traverser cette période avec du recul. Je restais chez moi, je créais. Plus le monde hurlait, plus je parlais bas. Je continuais à faire ma part, avec une étrange confiance que tout cela allait déboucher sur l'âge d'or prophétisé.















Jour 97

LE RÊVE

Aie, la rubrique de cet article devrait être "le défi". Je suis face à mon plus grand défi: aboutir. J'avais dit cent jours, le terme est si proche qu'une impatiente en moi renonce à passer la ligne d'arrivée parce qu'elle est en vue et que l'action est inéluctable. Ben non! Tant que je ne l'ai pas passée, le défi n'est pas relevé. J'ai encore manqué le rendez-vous d'hier, embarqué par mille choses à faire qui, toutes, participent à ma vie en train de réaliser mon rêve. 

C'est au moins ce que ce défi m'aura clairement révélé: tous les jours, je réalise mon rêve. Tous les jours, je dédie ma vie à faire ce que j'ai à faire, à être qui je suis. 

dimanche 1 mars 2015

Jour 96

LE RÊVE

J'arrive au bout de mon défi des cent jours, et je mesure le chemin parcouru en peu de temps, finalement. D'un fol espoir désincarné que j'avais peur de partager, mon rêve devient réalité. D'une utopie dont je craignais qu'on se moque, il est devenu un projet que rien ni personne ne peut m'empêcher de réaliser. 

À devoir le mettre en mots, je me suis forcée à faire la netteté sur mon désir. Mission accomplie. Ce qui me fait le plus de bien, c'est d'enraciner en moi un possible. J'ai publié mon rêve sur un blog public. Au début, je craignais qu'on le lise. Et puis au fil des jours, j'ai eu envie de le partager avec des proches. Un jour, j'ai osé mettre le lien sur facebook où les amis de mes amis peuvent lire. Il ne s'est rien passé, j'ai survécu. Personne ne m'a lancé des cailloux... Ben oui, j'avais peur qu'on me casse mon rêve. L'exercice des cent jours m'aura démontré qu'il est incassable. Bonne nouvelle.

Aujourd'hui, il y a en moi une nana un peu arrogante et sarcastique qui dit: «NA!». Une qui attend encore un peu le jour où j'irai rejoindre le Réseau devenu réalité et qui s'adressera à tous ceux qui me disent utopiste, naïve, idéaliste ou carrément folle pour leur dire: «Je vous l'avais bien dit! J'avais raison!».

Ça, c'est le premier bénéfice de mon défi. Faire de mon rêve une réalité. Un autre point positif, c'est mon envie redoublée de (re)donner espoir à tous ceux qui souffrent dans le chaos actuel. Je pense surtout et souvent aux jeunes. Pas les petits enfants qui sont d'une autre race, mais les ados du moment. J'imagine qu'il doit être difficile pour certains d'avoir la big picture. Le système est en vrille mais personne ne l'admet. Il n'y a jamais eu autant de différence entre les paroles et les actes. Le bon sens a disparu, et les jeunes n'ont plus de modèle. C'est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Ça les oblige à aiguiser très vite leur discernement et à acquérir de la maturité, mais comment, s'il n'y a aucune référence nulle part? Plus de religion pour inculquer la morale, plus de règles de société pour garder le cap, plus d'anciens sages auprès de qui s'abreuver...

Je généralise, c'est une erreur. Les sages, il y en a eu de tout temps. Aujourd'hui, il y a tellement de bruit que c'est bien difficile de les entendre et de plus, il y a beaucoup de faux gourous décevants.

Alors moi, comme le colibri de l'histoire, je fais ma part. Je distille ma lumière, ma foi. Je continue à dire que le monde où nous allons, malgré qu'il soit bien difficile d'y croire, est un monde d'amour et de lumière. Je partage ma certitude, je le ferai jusqu'à mon dernier souffle. A vous, les jeunes qui savez que vous ne voulez pas du monde actuel mais qui ne voyez pas d'autre alternative, je vous dis que je suis un peu en avance dans le temps et de là où je suis, je vois ce que vous ne voyez pas. Gardez espoir, gardez vos rêves. Ils sont en train de devenir réalité. 

Je connais quelques ados rebelles qui font la douleur de leurs parents, démunis devant le monde actuel. Je prends un exemple tout bête: passer le permis de conduire. Ça coûte bonbon, c'est un budget lourd. L'examen théorique est horriblement rébarbatif, il faut se mettre dans la tête des règles qu'on oubliera dès la sortie de la salle d'examens. Le test en soi tient plus de la loterie que de la restitution de connaissance, la pédagogie est un sommet de nullité: celui qui a échoué ne peut même pas apprendre de son échec puisqu'on ne lui donne pas le détail de ses fautes. Quand le jeune qui vient d'échouer pète un plomb et déclare qu'il va conduire sans permis, comment lui dire avec conviction que c'est inacceptable? On ne cherche plus à faire passer un permis de conduire mais à encaisser de l'argent à tous les niveaux. 

Le système est en vrille, il s'écroule. Le mieux, c'est d'attendre que la poussière soit retombée et porter un masque jusque-là. Tenez bon, les jeunes. On va se faire un joli monde quand on aura balayé la poussière. Je ne quitte pas la planète tant qu'on n'y est pas!






samedi 28 février 2015

Jour 95

LE RÊVE

Adrien a rajeuni de vingt ans. Les gens du Réseau sont très vite venus, attirés par la rrestauration du moulin. Ça s’est fait en quelques semaines et maintenant, ils sont en permanence une quinzaine de personnes à le faire tourner, sous les conseils avisés d’Adrien. La technique ancienne est transmise, de nouvelles méthodes sont appliquées, et ce petit monde respire le bonheur.

Ce soir, Adrien nous parle de son père qui arrive en fin de vie. 

— Il a eu 116 ans le mois dernier, et il est bien fatigué. Il va bien, il n’est pas malade, juste usé, mais il doit se faire opérer d’une carotide bouchée qui empêche le sang d’aller au cerveau. Ça le fait déconner, des fois, il dit n’importe quoi. Il n’a pas peur de l’opération, mais il veut rentrer chez lui juste après l’opération, il a peur de l’hôpital.
— Il vit seul?
— Il est au village, dans sa maison, avec une dame de compagnie, depuis vingt ans, qui l’aide au ménage. Il faisait encore à manger il y a six mois, mais là, il peut plus. ll y a aussi un aide, un infirmer, ou quelque chose, qui vient l’aider pour prendre un bain et… Pauvre vieux. 
— Pourquoi, il souffre?
— Moralement. Il a toujours été tellement autonome. Je vais le voir, bien sûr, mais ce qui lui faudrait vraiment, c’est un prêtre.

Nous nous regardons avec Arnaud. «Le dernier prêtre a été excommunié il y a cinq ans» me glisse-t-il en catimini. J’étouffe mon rire. Adrien nous fait comprendre que son père voudrait parler de son départ. Lui n’arrive pas à parler de ça avec lui et, dans son idée, le prêtre est celui qui saurait l’y préparer.

— Adrien, vous savez que dans le Réseau, il y a les maisons du Retour?
— Ah non, c’est quoi ça?
— Ce sont des maisons de convalescence et de soins palliatifs. Il y a tout le support médical, mais ça ressemble à tout sauf à un hôpital. Les permanents sont des gens dont c’est la vocation d’aider. Ce sont des enroits magnifiques. Très loin des maisons de retraite d’avant qui étaient des mouroirs tristes. Il y a de tous les âges, y compris des enfants. Les parents font un séjour dans ces maisons pour que leurs enfants soient, à un moment de leur enfance, confrontés à la maladie et à la mort qui, après tout, fait partie de la vie, n’est-ce pas? Ça fait une jolie ambiance vivante dans ces maisons qui dédramatise la fin de vie et qui accélèrent les guérisons. Les enfants n’ont ainsi pas peur de la mort, d’autant que parmi les vieux, il y a des simples convalescents qui retournent chez eux une fois rétablis. Il n’y a pas de prêtres, comme vous dites, mais des gens qui accompagnent psychologiquement avec leur sincérité, peu importent leur croyances sur une éventuelle vie après la mort. 
— Bah, mon père voudra jamais y aller.

Norma, qui vient de vivre le départ de sa mère, se met à raconter son expérience. Comme le père d’Adrien, sa mère ne voulait pas partir de chez elle. Un jour, elle a eu un malaise qui a nécessité une hospitalisaiton. C’était un début de pneumonie qui, heureusement traitée à temps, a été vite guérie, mais, affaiblie, sa mère a eu besoin d’une assez longue convalescence. Norma l’a convaincue de rejoindre une maison du Retour en lui expliquant qu’elles s’appellent ainsi parce qu’on y va en attendant de revenir à la maison. Jolie métaphore pour le cas où la maison est ce mystérieux endroit après la mort dont on ne saura exactement ce qu’il est que quand ce sera notre tour.

— Elle y est restée neuf mois pendant lesquels elle déclinait lentement. Ce furent des mois de bonheur pour tous. Les gens étaient adorables. Tendres, chaleureux. Ils venaient lui tenir compagnie, s’intéressaient à elle. Elle racontait sa vie, et je voyais bien que ça lui faisait du bien. Elle faisait une sorte de bilan, elle mesurait son parcours et je crois qu’elle était épatée de tout ce qu’elle avait fait. Tous les jours, elle sortait de sa chambre pour se joindre à la communauté. Je m’y suis installée avec elle, bien sûr, on regardait les enfants jouer et les parents vaquer à leurs activités. Ma mère souriait en permanence. On lui apportait à manger, elle appréciait, et puis elle donnait l’une de ses recette de cuisine dont elle venait de se rappeler à cause d’un parfum dans ce qu’elle venait de manger. J’ai remarqué une chose très étrange, les enfants jouaient et criaient, mais jamais aussi fort que dans d’autres maisons. La seule ambiance comparable est dans les maisons de l’Accueil. On y est à l’essentiel, et l’essentiel est silencieux. Les chambres ont des grandes baies vitrées qui donnent sur l’extérieur où la vie continue. Des gens de tous âges, de la vie, jamais rien de morbide. Quand ma mère n’a plus pu quitter son lit, les gens sont venus la voir. Les enfants lui faisaient un câlin puis s’en retournaient jouer, les ados l’entouraient. Un jour, une jeune fille lui demande d’un air grave si elle a peur de mourir. J’ai bien senti qu’elle parlait de sa peur à elle. Ma mère l’a regardée avec un bon sourire et lui a dit: «maintenant, grâce à vous tous, je n’ai plus peur. Je suis prête». Elles se sont prises la main et sont restées un grand moment ainsi. Moi, je me suis levée sous le prétexte d’aller faire pipi, j’en chialais d’émotion. Elle est morte à dix heures trente un vendredi matin, entourée d’une vingtaine de personnes dans la chambre. Le niveau sonore bassait au fur et à mesure que la vie en elle s’en allait. À la fin, tout le monde se taisait, mais le silence était léger comme une plume. Il n’y avait plus rien à dire, juste à être. C’était beau. Le dernier moment a été magique. Je lui tenais la main, et j’ai soudain eu comme un coup de poing à l’envers dans l’estomac, comme une force extirpée de moi, et non pas un choc que je recevais. J’ai regardé ma mère, elle n’avait pas bougé, mais j’ai su qu’elle venait de quitter son corps. À côté, un petit garçon de trois ans jouait par terre avec une petite voiture et il chantait d’une petit voix cristalline: «pirouette, cacahuète..». Voilà. Tout simple. Une vie achevée sur Terre. Ma mère est partie sur un air de pirouette.

Adrien a la larme à l’oeil tout comme Norma en revivant l’instant. Il demande s’il existe une maison du Départ dans le coin. Un petit coup de clavier ordinateur et nous découvrons qu’il y en a une à vingt kilomètres. Le lendemain, c’est ensemble que nous allons voir son père avec ceux qui ont participé à cette discussion. Nous nous promettons d’aller le voir régulièrement, pour qu’il se familiarise avec cet esprit de communauté. Adrien lui dit qu’il a trouvé une maison où «il sera bien quand il ne pourra plus et où ils pourront être ensemble en attendant son retour».









vendredi 27 février 2015

Jour 94

LE RÊVE

Amélie est en formation avec une chamane sage-femme. Dana est une femme de soixante-cinq ans qui a toujours vécu au milieu de la nature. Elle connaît les plantes, c’est une intuitive qui respecte les cycles biologiques et écoute son corps. Elle ne donne des formations qu’à partir du printemps, car l’hiver, elle se repose, elle prend du temps pour elle. Dès l’équinoxe de printemps, elle accueille ses nouvelles stagiaires. Elle en prend jamais plus de dix, elle veut s’assurer que chacune d’entre elle acquiert toutes les connaissances qu’elle a à dispenser.

Elle commence par enseigner les plantes et leurs vertus. Avec la théorie, elle propose de la pratique: préparations de tisanes, de décoction, de baumes, etc. Elle précise qu’il ne suffit pas de déflorer le sujet avec elle pendant quelques semaines, il est primordial qu’une sage-feme poursuive cet enseignement pendant toutes les années de sa pratique. Elle insiste sur l’aide précieuse que la nature peut apporter pendant la grossesse, l’accouchement et les soins du bébé. Dana précise qu’elle en apprend tous les jours sur la nature. Elle dispense son enseignement en permanence et nombreuses sont les filles qui reviennent compléter leur enseignement auprès d’elle pendant l’année. Pas question non plus de se passer des progrès modernes en cas de troubles plus sérieux, mais ce n’est pas elle qui dispense cette formation-là, bien qu’elle soit parfaitement au clair avec le sujet. Dana enseigne comment allier nature et pharmacie moderne.

La formation chamanique comprend également diverses méthodes de soins thérapeutiques manuels. Des massages spécifiques pour femmes enceintes, des techniques de respiration, de relaxation et de visualisation. Dana est experte dans le retournement des bébés qui se présentent par le siège. Les femmes enceintes qui viennent régulièrement la consulter pour cela permettent aux jeunes filles d’appliquer la théorie qu’elles reçoivent. 

Une bonne partie de l’enseignement est consacrée à enseigner des règles de feng shui. Les futures sages-femmes doivent développer leur ressenti pour trouver le meilleur endroit dans n’importe quelle habitation pour l’arrivée du bébé. C’est dans ce but qu’on a conçu les Maisons de Bienvenue, ce  qu’on appelait autrefois les maternités. Quand le travail commence, la future mère dispose du meilleur confort possible. La sage-femme l’accompagne et l’aide à trouver ce dont elle a besoin. Chaque feme est différente. Certaine sont confortables allongées, d’autres assises, puis debout à marcher, et il y a celles qui font le travail dans le bassin d’eau chaude. L’important est de suivre son instinct, après tout, n’importe quel mammifère accouche sans aide médicalisée. 

L’ambiance des salles de travail dans ces maisons est savamment étudiée. Le feng shui y est idéal, les couleurs, l’ambiance, tout dégage paix et sérénité. On peut mettre une musique relaxante, il y a une fontaine qui coule doucement, tout respire le calme et la joie. Les heures de travail deviennent des heures pleines, chaudes, essentielles. Il arrive qu’il y ait plusieurs femmes en travail simultanément, on a alors constaté une stimulation des contractions chez chacune qui accélère le travail et le rend plus aisé. 

Au moment où le bébé se présente, les sages-femmes s’adaptent aux besoins de la parturiente, et non le contraire. Certaines accouchent dans l’eau, la sage-femme se plonge alors dans le bassin avec elles, d’autres sont allongées, mais la plupart des mères délivrent elles-mêmes leur bébé, debout dans de l’eau jusqu’aux genoux ou accroupies sur une natte recouverte de futtons et de draps au cas où la mère lâcherait son bébé, ce qui n’arrive jamais. Ce qui n’arrive presque plus jamais non plus, c’est le besoin d’une épisiotomie. Bien préparée, une femme peut accoucher sans cela, néanmoins, en cas de besoin, la sage-femme est formée pour la faire et la suturer ensuite. 

Quand tout se passe normalement, la sage-femme ne fait qu’assister sans faire grand chose d’autre que d’inspirer confiance, spécialement quand c’est le premier bébé de la parturiente. Après l’éjection du placenta, la sage-femme dégage les poumons du bébé en aspirant les mucosités avec une pipette en quelques gestes précis et rapides, puis mère et enfant restent enlacés, drapés dans des draps blancs, le temps qu’il faut. Un temps suspendu qui dure le temps qu’il dure. Le cordon n’est coupé qu’après que ce temps sacré de prise de contact ait eu lieu. 

Alors la sage-femme prend le bébé et la jeune mère fait ses ablutions. Généralement, elle se trempe dans un bain chaud qui l’aide à se détendre complètement après l’effort. Pendant ce temps, la sage-femme ligature et panse le cordon ombilical, puis elle vérifie les réflexes du bébé. Elle a de gestes rapides, experts, doux, de façon que le bébé ne se sente pas agressé. Puis il rejoint sa mère dans le bain ou elle le lave, toujours sous l’oeil sécurisant de la sage-femme. Le bain ne dure que quelques minutes. La sage-femme attrape le bébé et l’emmaillote puis aide la mère a sortir du bassin et lui passe un peignoir cotonneux. Mère et enfant rejoignent leur chambre. Quand il ne rampe pas spontanément à la recherche du sein de sa mère, la sage-femme veille à ce que le bébé accroche un téton pour boire le précieux colostrum. Puis, on laisse la petite famille se reposer, maman, bébé et papa enlacés, quand ce dernier est présent pour la naissance de son enfant. 

Là aussi, les choses ont changé. Le père n’est plus une potiche impuissante qui assiste aux douleurs de sa compagne en se faisant écraser les phalanges. Ceux qui veulent assister assistent réellement, ils sont pro-actifs. Ils ont appris des gestes apaisants, savent coacher leur femme pendant les contractions, respirant avec elle, posant à l’occasion une main sur le ventre pour signaler leur présence au bébé. Ils parlent à la mère, au bébé, la vibration de leur voix faisant partie de l’événement. Certains chantent, et alors le moment devient magique. 

Les heures de repos se font dans une bulle dont la sage-femme s’exclut. Elle reste pas loin en cas de besoin, avec le personnel médical toujours présent en cas de complication. Au bout de quelques heures, généralement pas plus de trois ou quatre, bébé a faim. La sage-femme va encore veiller pendant quelques jours à ce que l’allaitement se passe bien, puis son job sera terminé. Les liens tissés pendant ce moment sont indéfectibles, et généralement, les familles gardent le contact pendant plusieurs semaines. Ils font généralement appel à la même sage-femme pour les bébés suivants.


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jeudi 26 février 2015

Jour 93

LE RÊVE

Tempête de cerveau nocturne en circuit fermé. Ça vaut ce que ça vaut…

De la patience, de la bienveillance et garder l’espoir. Voilà ce qu’il nous faut au quotidien en ce moment. Pour que les choses changent, il faut surmonter le plus gros obstacle chez l’humain: la peur du changement. C’est une peur archaïque enracinée dans notre cerveau reptilien. Le cerveau est un ordinateur central magnifique dont le système d’exploitation par défaut est la survie. C’est lui qui commande les réactions de survie physique, en réagissant au froid, par exemple, ou à la famine en régulant différemment les organes; c’est lui qui provoque également des réactons émotionnelles de protection en cas de choc. Il fera tout pour que nous ayons un sentiment de sécurité psychologique. Mais la sécurité n’est pas forcément le confort.

Les habitudes sont des sécurités. Changer une habitude est synoyme d’insécurité, et le cerveau est en mode d’alerte devant une insécurité. C’est là que le courage de traverser ses peurs doit internvenir, mais pour cela, il faut en avoir conscience. Tant qu’on se laisse mener par ses habitudes, rien ne peut changer. Tant que, collectivement, nous n’avons pas choisi consciemment de changer de paradigme, on continuera à construire des voitures par millions qui iront, invendues, couvrir des hectares de terrain un peu partout sur la planète* parce que le but collectif, c’est la croissance. Un but fixé il y a quelques décennies, qui était le mieux qu’on pouvait faire à l’époque, mais aujourd’hui, les paramètres ont changé. La croissance infinie dans un monde fini a des conséquences qui sont en train de nous submerger, il est temps de rectifier le tir. 

Tout cela est en route, mais il est difficile de croire que quelque chose de positif va émerger d’une telle cacophonie. Il y a ceux qui ne fonctionnent qu’avec le cerveau reptilien et qui craignent la guerre. Craindre la guerre, même dans l’espoir de se préparer à y faire face, c’est la créer. «Si tu veux la paix, prépare la guerre» était sûrement vrai à une époque, mais plus aujourd’hui. Si tu veux la paix, établis la paix. 

On dit aussi l’homme sera toujours égoïste, il y aura toujours des profiteurs. J’admire une telle certitude, mais ce sont deux  choses différentes. L’humain sera toujours égoïste, tout comme il aura toujours le nez au milieu de la figure, ça fait partie du pack de base, c’est l’outil de survie. «En cas d’urgence, je m’occupe de ma gueule» est la programmation par défaut. Après, chacun ajoute les logiciels qu’il veut selon ses valeurs morales. Ça s’appelle la maturité, la conscience, l’élévation spirituelle. Quant aux profiteurs, dans un monde où chacun reçoit selon ses besoins, il n’y a plus à profiter sur le dos des autres. 

La vision du prochain monde, je l’ai depuis toujours. D’où me vient-elle, je l’ignore. J’ai vécu des années difficiles, influencée — obligée, devrais-je dire — à penser dans la norme sociale, familiale, culturelle, alors que je savais qu’autre chose nous attend de totalement nouveau, de jamais vu encore. Depuis quelques années, l’air du temps me prouve que j’avais raison. Le changement est à l’œuvre, ceux qui le nient sont ceux qui en ont peur. Mais plus pour très longtemps, parce la confiance, c’est contagieux.


*On me glisse dans l'oreillette que ce serait de l'intox. En lisant l'article qui le stipule, je pense que le démenti peut aussi tout bien être de la même intox, histoire de glisser la vérité sous le tapis. Voilà. Nous y sommes. Les infos qui circulent ne sont plus que des propositions de croyances. Choisissez, parmi toutes ces données, celles que vous voulez croire. Intéressant. Les convictions doivent désormais venir de l'intérieur, car les certitudes extérieures se sont écroulées.

Alors... En quoi veux-je croire exactement?
That IS the real question.






Jour 92

LE RÊVE

Pas inspirée pour continuer ma fiction... Encore que je trouve que ma fiction commence à sériseuement devenir réalité. De plus en plus de gens aspirent à une vie autrement, par exemple, ceux qui sont dans la dèche financière depuis longtemps caressent l’idée de carrément vivre sans argent. C’est encore embryonnaire, du moins dans ce que j’ai trouvé, et difficile à concevoir dans un monde où le confort minimum est payant: eau, électricité, communications… 

La transition est en train de se faire, mais pour cela, il faut impérativement un saut quantique de conscience. Nul n’a envie de revenir à l’âge de la pierre taillée, ce serait ridicule dans un monde où la technologie se développe exponentiellement. Régresser pour vivre mieux est une aberration.

Vivre sans argent est un gros défi à l’heure actuelle, si on veut éviter d’être dépendant de celui des autres. Pour être dégagés des charges financières, il faut obtenir un habitat et des sources d’énergies gratuits. Et ça, pour l’instant, ça coûte des sous. 

Alors comment opérer la transition? Bonne question. Il me semble que ça ne sera possible qu’en se regroupant. Que les gens qui ont envie de cette vie autrement se rassemblent et mettent leurs ressources en commun pour construire un écovillage. Seulement voilà, pour l’instant, seuls des gens totalement désargentés ou aux revenus modestes sont motivés, les riches et les nantis nantissent dans leur coin, pas tellement prêts à partager leurs grosses maisons et leurs 4x4 avec une écofamille. 

J’ai entendu parler d’un groupe de gens ainsi motivés qui avaient trouvé un terrain sur lequel construire leur écovillage. Le propriétaire a aimé l’idée, mais dès que les choses se sont concrétisées, des problèmes sont survenus, principalement enracinés sur l’ego. Il n’a pas lâché d’être le chef, et les tensions sont apparues. 

Il faut attendre que les consciences s’ouvrent encore. Autre question: qu’est-ce qui fait que les consciences s’ouvrent? Voilà une réponse que je cherche depuis un petit moment. L’activité solaire y serait pour quelque chose. Où ai-je lu cela? Une analyse sur les changements de civilisation en comparaison avec l’activité solaire. Si c’est le cas, il suffit donc d’attendre que chacun ait pris la douche solaire qui nettoie le cerveau. Ce serait cool. Sauf que les neurones, quand ça se nettoie, ça produit des sécrétions noires et puantes. C’est ce qui se passe en ce moment: un grand n’importe quoi un peu partout avec un manque de sens commun, parfois, qui donne une idée de l’infini. 

Ne pas s’inquiéter, attendre que ça passe. Parce que ça va passer, c’est sûr. 

Yannick Roudaut explique bien ce que nous sommes en train de vivre :

Pas envie de raconter une fiction, aujourd’hui. Encore que je trouve que ma fiction commence à sériseuement devenir réalité. De plus en plus de gens aspirent à une vie autrement, ceux qui sont dans la dèche financière depuis longtemps caressent l’idée de carrément vivre sans argent. C’est encore embryonnaire, du moins dans ce que j’ai trouvé, et difficile à concevoir dans un monde où le confort minimum est payant : eau, électricité, communications…

La transition est en train de se faire, mais pour cela, il faut impérativement un saut quantique de conscience. Nul n’a envie de revenir à l’âge de la pierre taillée, ce serait ridicule dans un monde où la technologie se développe exponentiellement. Régresser pour vivre mieux est une abberration.

Vivre sans argent est un gros défi à l’heure actuelle, si on veut éviter d’être dépendant de celui des autres. Pour être dégagés des charges financières, il faut obtenir un habitat et des sources d’énergies gratuits. Et ça, pour l’instant, ça coûte des sous. Alors comment opérer la transition?

Bonne question. Il me semble que ça ne sera possible qu’en se regroupant. Que les gens qui ont envie de cette vie autrement se rassemblent et mettent leurs ressources en commun pour construit un écovillage. Seulement voilà, pour l’instant, seuls des gens totalement désargentés ou aux revenus modestes sont motivés, les riches et les nantis nantissent dans leur coin, pas tellement prêts à partager leurs grosses maisons et leurs 4x4 avec une écofamille.

J’ai entendu parler d’un groupe de gens ainsi motivés qui avaient trouvé un terrain sur lequel construire leur écovillage. Le propriétaire a aimé l’idée, mais dès que les choses se sont concrétisées, des problèmes sont survenus, principalement enracinés sur l’ego. Il n’a pas lâché d’être le chef, et les tensions sont apparues.

Il faut attendre que les consciences s’ouvrent encore. Autre question: qu’est-ce qui fait que les consciences s’ouvrent? Voilà une question dont je cherche la réponse depuis un petit moment. L’activité solaire y serait pour quelque chose. Où ai-je lu cela? Une analyse sur les changements de civilisation en comparaison avec l’activité solaire. Si c’est le cas, il suffit donc d’attendre que chacun ait pris la douche solaire qui nettoie le cerveau. Ce serait cool. Sauf que les neurones, quand ça se nettoie, ça produit des sécrétions noires et puantes. C’est ce qui se passe en ce moment: un grand n’importe quoi un peu partout avec un manque de sens commun, parfois, qui donne une idée de l’infini.

Ne pas s’inquiéter, attendre que ça passe. Parce que ça va passer, c’est sûr. Yannick Roudaut explique bien ce que nous sommes en train de vivre :




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mardi 24 février 2015

Jour 91

LE RÊVE

Mon article du jour va être très bref, je découvre un groupement de gens qui sont en train de le réaliser.

http://fr.eotopia.org

https://www.youtube.com/watch?v=trZ8Iyq4kpc

Je ne vais pas tarder à me joindre à eux.




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lundi 23 février 2015

Jour 90

LE RÊVE

Adrien est notre voisin le plus proche, à un peu moins de deux kilomètres. Un bonhomme de soixante-douze ans, pétant de santé, qui est déjà venu nous voir plusieurs fois sous des prétextes fallacieux. Je le soupçonne de se sentir seul. A chaque visite, il traîne avec nous, se llivrant un peu plus à chaque fois et s’intéressant à ce qui se passe sur le domaine. Ce matin, il est venu offrir des plants de sauge. Il vante la qualité de la plante qui pousse à foison chez lui. Malgré que nous en ayons déjà au jardin, nous l’acceptons de grand cœur et lui offrons un café, comme à l’accoutumée. Il est différent, ce matin, il semble avoir une pêche inhabituelle, son étrange nostalgie a disparu.

— Le patron est là, demande-t-il au bout d’un moment?
— Arnaud, vous voulez dire? demande Olivier qui a compris ce qu’Adrien veut dire malgré que la notion de patron ou de propriétaire n’existe pas dans le Réseau.
— Oui, m’sieur Arnaud.
— Oui, je crois qu’il est à la taille de pierre.

Nous expliqons à m’sieur Adrien ce que nous sommes en train de faire tout en nous rendant sur le chantier du bassin-jacuzzi. L’ancien admire longuement le travail. Je glisse à Arnaud qu’il voudrait parler au «patron» en souriant. Arnaud joue le jeu.

— Voilà, m’sieur Arnaud, je voudrais vous céder mes terres.

Il explique alors qu’il se sent seul depuis la mort de sa femme il y a deux ans. Il avait songé à aller habiter ailleurs, mais où? Et puis c’est chez lui, ici. Depuis qu’Arnaud est revenu, il voit bien comment ça bouge et c’est pourquoi il veut rassembler les deux domaines et «faire venir la jeunesse aussi au moulin».

— Au moulin, Adrien? Vous avez un moulin?
— Pardi, s’exclame-t-il avec son accent cévenol.

Nous lui expliquons alors qu’Arnaud n’est plus propirétaire du Mas Alacalo, il l’a cédé au Réseau et nous lui donnons des détail sur son fonctionnement.

— L’idée, c’est de rendre la terre à la Terre, vous voyez? Elle n’appartient plus à personne, elle retourne à la planète, nous en sommes les locataires temporaires et nous en prenons soin. 

Adrien hoche la tête d’un air tout à fait approbateur. Nous lui disons qu’il peut, à son tour, céder ses terres au Réseau et devenir co-locataire de l’endroit où il se trouve. Il est vraiment séduit par cette idée, notre voisin. 

— Il est comment, votre moulin, Adrien, il fonctionne?
— Pardi! Mais je ne le fais plus tourner, tout seul… vous pensez…
— Il faut qu’on voie cela. Avec un moulin dans le Réseau, tu parles si vous allez en avoir, de la visite. On va cultiver des céréales et faire de la farine.

Tout un groupe s’est joint à la conversation et chacun y va de son idée et de son enthousiasme. Nous décidons d’aller de ce pas voir ce moulin.

La bâtisse est à l’abandon, mais tout à fait saine. Une magnifique roue à aubes, recouverte de mousse par endroits, trempe dans le courant du Gardon. Il faudra la restaurer, elle est abîmée par endroits. Adrien actionne quelques leviers à l’intérieur du moulin et la roue se met à tourner dans des craquements impressionnants.

— Elle a des courbatures, commente-t-il.

Dedans, le mécanisme se met en action et la grosse pierre se met à tourner lentement dans le bassin de granit. Adrien nous explique où on verse le grain, combien de temps il doit être moulu pour finir par s’écouler en farine. Il nous dit le temps qu’il faut pour faire cent kilos de farine, comment les sacs sont fermés, puis emportés. Il est prêt à transmettre ses connaissance de meunier à qui veut bien les recevoir.

— J’ai de la place dans la maison pour la jeunesse, ajoute-t-il. Il faudrait donner un coup de peinture, mais ils vont bien faire cela, les jeunes, n’est-ce pas?

Les jeunes acquiescent et le vieux rayonne. 

— Vous allez vous refaire une jeunesse, Adrien, avec tous ses jeunes autour de vous, lui dis-je.
— Pardi! répond-il avec de l’eau dans les yeux.

Il n’a pas d’internet chez lui, nous l’emmenons à la Calo pour les formalités d’entrée dans le Réseau. Arnaud télécharge et imprime les documents officiels, et nous les lui expliquons longuement. Il lui dit qu’il peut prendre tout cela chez lui, les lire tranquillement et encore réfléchir. Une fois que ses terres seront cédées, plus moyen de revenir en arrière. Il a eu le temps de réfléchir, il est décidé. Il signe et les confie à Arnaud pour les envoyer.

— Il vous faudra internet, Adrien, vous pensez que vous allez pouvoir vous y mettre?
— Pardi!

Il est drôle, avec son expression. Un mot lui suffit pour dire tant.

— Et puis il y aura bien toujours un jeune pour m’aider quand je ne saurai pas.

Il est effectivement prêt. Il a bien compris le concept, il ne sera plus jamais seul, m’sieur Adrien. De fait, la moitié de ses rides se sont effacées et il dégage une énergie redoublée. 

— On va fêter ça. Venez au mas ce soir, on va faire un banquet, dit l’un des jeunes.
— Adrien, on peut déjà s’installer au moulin? demande un jeune Anglais arrivé ce matin. J’adore cet endroit.
— Pardi! répond Adrien, en chœur avec quatre autres personnes qui charrient gentiment.

Adrien éclate de rire avec eux. Il est heureux et nous aussi, de le voir ainsi épanoui. Il retourne au moulin avec trois garçons et deux filles qui s’y installent illico.

La nouvelle a fait le tour du domaine et un bataillon de marmitons est improvisé à la préparation du banquet. Chacun y va de sa recette, toutes les cuisines sont monopolisées. La table est mise sur la terrasse. 

— On est combien, en ce moment? demande Ana à Evelyne qui travaille sur l’ordinateur.

Un coup d’oeil sur le site qui recense les présences dans les maisons, et elle répond:

— Quarante-deux adultes, sept enfants.

Les gens qui circulent dans le réseau s’annoncent spontanément sur le site. Il n’y a bien sûr aucune obligation, mais très rares sont ceux qui ne le font pas. C’est une question de considération les uns pour les autres. Chacun a un profil sur lequel il met les informations sur lui qu’il désire. Généralement, on met ce qu’on sait faire et ce qu’on aime ou aimerait faire afin faciliter les offres et les demandes de service. Dans le cas où on désire prendre du temps pour soi à ne rien faire, on peut l’afficher sur le profil d’une petite pastille jaune qui indique qu’on est momentanément indisponible. Cette charte de présence permet de jauger l’occupation des maisons et, par exemple, de décider de remettre sa visite à plus tard s’il y a trop de monde à son goût ou, au contraire, de rejoindre une grande communauté selon son humeur. Elle permet également de savoir où sont les gens qu’on connaît et de les contacter via l’internet de la maison si l’on n’a pas leurs coordonnées personnelles.









dimanche 22 février 2015

Jour 89

LE RÊVE

Il y a soudainement beaucoup de monde au domaine qui commence à vraiment ressembler à une maison du Réseau. C’est joyeux et dynamique. Le printemps est magnifique et la température grimpe tous les jours. Je peux enfin pratiquer mon activité préférée, le petit déjeuner aux aurores avec les oiseaux dans la cour. Je me fais un bon café que je vais déguster sur la terrasse. Je devrais dire la cour, tellement cet espace est grand. J’y retrouve Ana, déjà debout elle aussi.

— C’est cool, ce qu’ont fait les jeunes, hein?

Nous avions disposé des tables pêle-mêle sous le platane et d’autres au soleil, on aurait dit une jolie terrasse de restaurant. Dans l’après-midi, les jeunes ont décidé de les placer en rond, «comme un banquet des Gaulois» a dit l’un d’eux. Désormais, c’est un grand cercle de tables dont la moitié est abritée par la ramure de l’arbre. 

— C’est une super idée, dit Ana. Il faudra trouver des parasols pour le cas où nous serions complets, en plein été. 
— Je crois qu’ils ont déjà eu l’idée. Il me semble qu’ils sont sur le coup. 

Quatre jeunes arrivent du ranch avec des plateaux de petit déjeuner chargés de plein de bonnes choses.

— Bonjour. Vous voulez de la brioche?
— Bonjour. Très volontiers.

Il y a Pablo, toujours levé tôt, Etienne, Antoine et Amélie. Un peu plus tard, d’autres arrivent et garnissent la table avec du café frais, des jus de fruits. Je suis toujours fascinée de voir comment la spontanéité permet de composer des repas excellents et curieusement tout à fait équilibrés. Camille nous rejoint avec des crêpes qu’elle vient de faire. 

— Que deviens-tu, Amélie, depuis le temps qu’on ne s’est pas vues? demandé-je.
— Je termine ma formation de sage-femme. C’est pour ça que je suis venue dans le coin, je vais passer six mois avec une chamane et j’aurais fini mon initiation. Enfin, c’est surtout une herboriste, mais elle connaît bien la nature, elle va nous enseigner les courants telluriques.
— Sage-femme? demande Etienne. C’est quoi?
— Je vais mettre au monde les enfants.

Ce métier qui se perdait retrouve ses lettres de noblesse depuis plusieurs années. Ce sont elles, et non plus les médecins, qui aident à l’accouchement dont on a complètement revu la conception. 

Au plus tard à huit mois de grossesse, mais souvent dès le quatrième mois, la future mère choisit sa sage-femme. Elles vont alors cohabiter jusqu’au moment de la naissance, afin de bien se connaître. Ensemble, elles vont se préparer à l’accouchement, bien sûr, mais le rôle de la sage-femme est également d’aider la mère à être bien dans son corps, à avoir un bon contact avec son bébé encore dans le ventre. Elle dispense également des conseils de diététique, des massages et du réconfort moral à l’occasion. On s’est rendu compte qu’il est primordial qu’un lien affectif fort soit établi très tôt entre les parents et l’enfant. Depuis qu’on procède ainsi, les complications à l’accouchement ont pratiqué disparu. 

— Le dernier mois, en général, on le passe dans une maison d’accueil des bébés, explique Amélie.

La future mère s’installe dans l’une de ces maisons du Réseau spécialement conçues pour l’accueil à la naissance. Il y a une proportion à peu près égale de mère célibataire et de parents, la notion de couple parental ayant elle aussi drastiquement changé ces dernières années. Tout y est prévu. Des jolies habitations fonctionnelles, des salles de relaxation, des cabines de massage, des bassins d’eau chaude et deux salles d’opération à la pointe du progrès de néonatologie pour les éventuelles complications avec du personnel compétent à demeure. Les rôles ont changé, c’est la sage-femme qui procède, le chirurgien n’intervenant qu’en cas de besoin. Certaines sages-femmes vont même devenir chirurgienne pour pouvoir faire face à toutes les éventualités. 

Les pères sont spécialement considérés. Ils sont préparés à ce qu’ils vont vivre s’ils décident d’assister leur femme. Là encore, on accompagne mieux ce processus. Dans le passé, on s’est rendu compte que certains hommes étaient traumatisés par la naissance de leur enfant. On a retiré la culpablité du choix d’un homme de ne pas être là, tout comme on a aidé les femmes à savoir vraiment ce qu’elles veulent, certaines étant encombrées de la présence de leur compagnon pendant ce moment. Le choix est désormais beaucoup plus librement consenti, permettant une meilleur gestion émotionnelle de l’événement pour tout le monde. 

Amélie raconte son métier avec ferveur. On sent une vraie vocation chez elle. 

— Moi, je veux me spécialiser dans les plantes pour aider tout au long de la grossesse et de l’accouchement, mais surtout, je veux apprendre la vouivre. 
— C’est quoi, ça?
— Les courants telluriques, pour trouver les meilleurs endroits pour faciliter l’accouchement. Les maisons d’accueil sont construites sur des noeuds favorables, mais j’aimerais accoucher les femmes chez elle, au meilleur endroit pour l’arrivée du bébé. 

Elle nous explique que la formation dure cinq ans pendant lesquels elle a appris tout ce qu’il faut savoir anatomiquement de la grossesse et de l’accouchement. On apprend le massage, la relaxation et diverses techniques du genre hapnotomie. 

— Il y a la théorie et la pratique juste après. On passe quelques jours ou semaines à étudier quelque chose et on le met en pratique tout de suite. 
— Comme quoi, par exemple?
— Ben, par exemple, retourner un bébé qui se présente par le siège.
— Tu as déjà fait cela?
— Plusieurs fois. 







samedi 21 février 2015

Jour 88

LE RÊVE


Autre pause dans le rêve pour revenir à la réalité. Je croyais avoir un jour de retard, j'en ai deux. Si je manque de régularité dans la publication de mon rêve, c'est différent dans la vie réelle. Le petit exercice du défi des cent jours est en train de faire passer mes désirs du simple virtuel désincarné à une réalité plus physique et charnelle. J'en oublie d'écrire parce que le rêve se glisse sous ma peau.

À force d'imaginer la vie idéale que je voudrais, je me rends compte qu'elle est plus à portée de ma main que je ne croyais. Ce n'est de loin plus un fol espoir, mais un projet pas loin de se réaliser. Il devient aussi réel que les prochaines vacances dont on viendrait de réserver le vol. Plus qu'une affaire de patience jusqu'au jour où l'avion décollera.

J'ai surfé à la recherche de communauté qui seraient déjà existantes. Je fais régulièrement cela. Je constate une jolie évolution, ces communautés se multiplient. Encore beaucoup ne sont qu'à l'état de projets et ne font que l'objet de groupes de discussions, mais plusieurs existent déjà depuis plusieurs années.

Je n'ai pas encore trouvé celle qui me donnerait seulement envie d'aller la visiter, mais je ne désespère pas. Pour l'instant, il y a encore trop de règles à mon goût, de contraintes, de chartes de fonctionnement constituées sur des peurs. Légitimes, j'en conviens, l'ego collectif n'est pas encore à sa juste place, loin s'en faut. Ou alors il est demandé une participation financière au-dessus de mes moyens. Pour ma part, je cherche le groupe de personnes prêtes, qui savent où se trouve leur ego et qui le mènent (et non pas se laissent mener par lui), des gens de bonne volonté, désireux de faire face au meilleur comme au moins bon avec ouverture, bienveillance et amour. Je suis heureuse de constater que ce n'est plus une utopie, il existe de plus en plus de gens de cette race, et le nombre augmente tous les jours. 

Je pense souvent avec compassion aux jeunes de notre époque. J'ai la chance d'avoir connu les trente glorieuses, et c'est réellement une grande chance, car nous avons pu avoir un aperçu de ce dont nous sommes capables. Quand je pense à mes enfants nés dans une époque où le chacun pour soi prévaut, où l'exigence sociale est plus éloignée que jamais de l'essence de l'humain, j'aimerais pouvoir les rassurer. La vraie vie, ce n'est pas étudier, obtenir le maximum de diplômes dont le niveau baisse chaque année et qui ont de moins en moins de valeur, ce n'est pas aller consacrer dix à douze heure de sa journée dans des corporations pour des salaires qui rétrécissent tous les ans, dans une ambiance de travail parfois agréable; cela pendant des décennies au bout desquelles on peut espérer une retraite peut-être confortable, si l'on a échappé au burnout et à la dépression. Quand je dis cela, on me dit que pas tous les jobs sont ainsi, mais ceux qui le disent ne voient même plus les robots qu'ils sont devenus. Ils se disent heureux dans leur quotidien, mais leur teint de peau n'est éclatant que pendant leurs trois semaines de vacances.

La vraie vie, ce n'est pas non plus être éjecté du système et être (mal) assisté par des administrations culpabilisatrices («les chômeurs sont des feignants qui ne veulent pas travailler»), ce n'est pas non plus devoir renoncer à une vocation pour accomplir un job triste pour des raisons uniquement alimentaires. 

Non, la vraie vie d'un être humain digne, c'est ce que je raconte ici. Un rêve, mais plus pour très longtemps. Il suffit de continuer à le vouloir.













Jour 87

LE RÊVE

Les travaux avancent bien et c’est le tour des artisans de faire tout le travail. Nous bénéficions de quelques jours un peu plus tranquilles où je profite de faire du courrier en retard. Je prends des nouvelles du réseau, notamment de la famille Renaud, du côté de Fribourg, en Suisse. Des bons amis de longue date qui ont, eux aussi, mis leur maison dans le Réseau. Elle n’est pas grande, ils ne peuvent loger que quatre personnes dans un mobil-home qui ne roule plus. Le moteur a rendu l’âme, ils l’ont converti en chambre d’hôtes en l’aménageant avec une soupente. Un logement tout à fait confortable, chauffé au solaire. En revanche, ils accueillent des chevaux. Le pré à côté de chez eux, un supplice de tantale pour leurs bêtes qui n’étaient pas autorisées à y paître jusque-là, faisait l’objet d’un litige entre propriétaires. Après bien des méandres juridiques et administratifs, le pré a été cédé pour un franc symbolique que mes amis se sont empressés de verser. Ils ont fait construire un abri plus grand et sont en train de créer un joli petit relais équestre. Les nouvelles de chez eux sont bonnes, et quand je donne des miennes, c’est un cri de joie de Catherine qui m’annonce qu’ils partent en vacances dans le sud en famille.

— On va passer vous voir, alors !
— Vous pouvez même séjourner, leur dis-je.
— Vrai? Vous avez de la place.
— Onze chambres, ça ira ?
— Mais on avait envie de bord de mer.
— Et vous avez déjà trouvé un endroit?
— Non, mais je ne me fais pas de soucis…

Ils débarquent trois jours plus tard, c’est un grand plaisir que de revoir Catherine, Eric, et leurs deux enfants Amélie et Benjamin. Depuis le premier jour, j'ai beaucoup de coeur pour ces deux enfants épatants. Amélie est une jeune fille douce, une vraie gentille au caractère bien trempé. Elle possède une vraie grandeur, elle est profondément honnête. Benjamin me fait rire. C'est un lutin malicieux aux idées loufoques que j'adore. Avec lui, je redeviens enfant. On se fait des gros câlins et je fais le tour des présentations. Les jeunes s’installent ensuite dans le ranch avec Pablo, tandis que les parents prennent leurs aises dans Majoraou.

Les gens du Réseau commencent également à arriver. Nous avons régulièrement donné de nos nouvelles sur le site depuis que les chambres sont prêtes. Cinq jeunes se sont annoncés pour demain, ils viennent aider à la construction du bassin-jacuzzi. Nous avons trouvé un énorme morceau de granit, magnifique, que nous voulons creuser. Il faut d’abord creuser le trou, puis on ira le chercher chez le marbrier. Ensuite, il n’y aura plus qu’à le creuser sous les conseils avisés de Sébastien, tailleur de pierre, qui viendra nous dire bonjour avec sa petite famille le moment venu.



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Jour 86

LE RÊVE

Les vacances de Viviane touchent à leur fin, ses parents vont venir la chercher en fin de matinée. Nous avons opté pour un brunch collectif, histoire de savourer ses derniers instants avec nous. L’ambiance est très joyeuse autour de la table, les plaisanteries fusent, c’est du condensé d’amour.

Elle s’en va avec une meilleure stabilité intérieure. Les discussions avec les uns et les autres lui ont donné de la force. J’ai le sentiment qu’elle a enfin capté son essentiel. Elle est en connexion avec elle-même, avec son âme. Même si elle doute encore beaucoup d’elle — on ne devrait jamais douter de soi — elle dégage une lumière différente. Elle est plus calme, je la sens apte à faire face avec la certitude qu’elle a des moyens pour le faire, ce qui est un énorme progrès par rapport aux premiers jours où je l’ai rencontrée.

— Tu as l’air beaucoup plus sereine qu’il y a quinze jours à Malaga, lui dis-je.
— Je le suis, me répond-elle avec assurance. Ce que vous m’avez dit sur moi et sur mes parents m’a bien aidé. Et puis je vous ai vu être vous-mêmes pendant ces quinze jours, ça m’a donné l’exemple. Maintenant, je vais plus m’écouter moi. Je vais mieux savoir discuter avec mon père, tout ce que vous m’avez dit et montré sur la communication non violente va beaucoup m’aider.
— Oui, rappelle-toi, pas de « tu, tu, tu », dit Arnaud en faisant semblant de la tuer, mais « je ». Ça fait toute la différence.

Nous avons passé de longues heures à expliquer et appliquer la communication non violente. Ce sont des formulations différentes pour un même discours, qui font que les reproches disparaissent pour ne laisser que le fond des problèmes. Nous l’avons aussi aidée à voir ce qui partait d’elle dans ses relations conflictuelles en lui expliquant que nous sommes entièrement créateurs de la réalité que nous vivons. Répondre au conflit par le conflit, c’est le co-créer. L’issue, c’est de ne pas donner prise au conflit. Il ne peut exister que si les deux parties jouent le jeu. Nous parlions d’une relation difficile qu’elle a eue avec une copine d’école:

— Ouais, mais attends, quand elle m’agresse, c’est obligé que je l’agresse.
— Non.
— Merde, mais elle n’a pas à m’agresser! Si je ne dis rien, elle va continuer.
— On ne te dit pas de ne rien dire, mais de répondre très calmement. Plus elle t’agresse, plus tu es calme. Tu peux carrément lui dire: «écoute, aujourd’hui, il fait beau, j’ai envie de prendre la tête avec personne, alors reviens demain ou après-demain». 

Ça l’a fait rire. Elle s’est mise à imaginer des dialogues de court-circuit de l’agression et nous avons passé un bon moment à rigoler à inventer les réparties les plus loufoques.

— Ah oui mais quand elle me nargue avec mon ex, je ne supporte pas. Je lui casserais bien la tête.
— La solution, c’est de faire le scénario à l’avance. Par exemple, tu visualises la prochaine fois qu’elle te nargue et tu te fais le film dans ta tête. Tu respires un grand coup, tu décides que ça ne te fait rien.
— Alors ça, ça n’arrivera jamais!
— Mais si. Projette-toi dans seulement cinq ans, ou dans dix ou quinze ans, avec un super mec et des enfants géniaux. Quand tu te souviendras de Lydie, tu rigoleras. D’ailleurs, tu t’en souviendras même plus…
— Ouais, t’as sûrement raison.
— Alors en attendant, tu décides que ton ex, c’est plus ton problème, et que cette Lydie ne fait pas partie de ton monde. En anglais, ils disent fake it until you make it. Ça veut dire…
— Fais semblant avant que ce ne soit vrai, j’ai compris.
— Pour t’encourager et sortir de la colère, imagine-toi que tu es une actrice qui joue un rôle: celui de la grande sage qui gère ses émotions et ne se laisse pas mener par elles.

Les parents de Viviane débarquent alors qu’elle exprime encore sa gratitude et le plaisir qu’elle a eu avec nous. Mathilde nous salue chaleureusement. Elle a l’air détendue, elle est bronzée, on dirait qu’elle a bien profité de ses vacances. Charles est tout bronzé, lui aussi, et à peine est-il sorti de la voiture que l’ambiance se fige. Ce mec a le don de prendre et d’usurper le pouvoir. Nous le laissons pomper un peu, si ça peut le rendre fréquentable. Nous proposons un café qu’ils acceptent volontiers. Sans nous donner le mot, nous lui envoyons une surdose d’énergie et d’attention. Il commence par se pavaner dedans, monopolisant la conversation pendant plusieurs minutes, toujours en se raclant la gorge, en parlant de plus en plus lentement et doucement. Et comme nous redoublons de don d’énergie, il finit par se lasser et se tait. La conversation dévie, et il devient aussi inerte qu’un tronc d’arbre en bout de table, tristement seul drapé dans son ego blessé, un linceul duquel il ne veut décidément pas sortir.

Viviane embarque ses affaires dans le coffre de la voiture, c’est le moment des adieux.
— Je reviens aux prochaines vacances, moi, c’est sûr!
— Tu seras évidemment la bienvenue, ma chère, lui dit-on à la cantonade.

Je surprends un regard en coin de Charles qui indique que ce n’est pas forcément gagné. Connaissant Viviane, je pense qu’elle a désormais de quoi convaincre son père pour obtenir ce qu’elle veut.


mercredi 18 février 2015

Jour 85

LE RÊVE

Nous sommes donc désormais dix adultes et un ptit bout à faire vivre le mas Alacalo. Voilà qui me réjouit. J’aime initier des nouvelles choses. Evelyne m’a formellement demandé de ne rien dire de son projet pour l’instant, elle aimerait d’abord passer quelques jours tranquillement ici, sans penser à rien, se mêler à la communauté et vérifier que la synergie peut exister entre les gens et ses nouvelles idées. 

Après le petit déjeuner, tout le monde s’attelle à la tâche. Nous avons presque fini le ranch, les finitions sont faites, il ne reste que quelques meubles à aller chercher. Nous optons pour le troc car notre budget est restreint.

L’expédition mobilier est menée par les filles après avoir écumé les sites de dons. Nous avons trouvé à Alès un brocanteur qui consacre une partie de sa surface pour l’entrepôt des meubles dont les gens ne veulent en attendant que d’autres viennent les chercher. Nous ramenons une jolie collection de buffets, bureaux, étagères et petites armoires apparemment hétéroclites. Quelques-unes requièrent de la rénovation, ce à quoi nous nous atelons les jours suivants. Les idées originales fusent. On ponce, on teinte, on vernit, on peint, même, une petite commode à laquelle on n’arrivait pas à redonner une jolie patine. Recouverte d’une couleur flashy, elle prend soudain une allure particulière. Voilà qu’un style est en train d’émerger. D’autres petites meubles sont peints à leur tour, créant une harmonie de teintes tout à fait originales. Les chambres prennent alors très belle allure, elles ont leur caractère particulier, et de l’avis de nos jeunes, elles iront parfaitement à des ados. 

— C’est rebelle mais pas violent, synthétise Pablo.
— Moi, ça me donne envie de ranger ma chambre, déclare Viviane. 

C’est une réussite. À la pause de midi, Arnaud exprime son besoin d’aide pour le chantier des ateliers. 

— Le sous-sol, c’est les stocks et l’outillage d’un côté, le sauna et le hammam de l’autre. Au rez, les ateliers qui sont prévus jusqu’à la toiture, mais quand je vois ce volume jusqu’au faîte du toit, non seulement je me dis que c’est nul de perdre tout cet espace, mais je suis sûr qu’en feng shui, c’est pas bon. La créativité va foutre le camp au sommet. J’ai tort?
— Il faut faire un étage, dit Evelyne.
— OK, mais on met quoi à l’étage?
— Pourquoi pas une surface modulable? Pas de parois fixes, mais de quoi transformer cette salle en diverses choses. Soit une grande salle de conférence ou de yoga, ou un dortoir. Au fond, tu fais une grande salle de bain, puisque les tuyaux d’arrivée d’eau sont de ce côté. Tu peux même faire une entrée par l’extérieur. Un escalier sur le côté de la façade l’embellirait. Je vois même un joli porche et une grande entrée vitrée pour amener plus de lumière.

L’idée est loin d’être idiote, voilà que la matière grise s’échauffe. Après avoir été sur place pour visualiser l’idée, Evelyne est maintenant installée sur la terrasse et dessine des croquis. Moment de tempête de cerveau, comme disait Astérix (brainstorming) où chacun y va de sa proposition que ma fille intègre ou rejette, selon qu’elle est concevable ou non. L’idée d’une grande salle polyvalente est retenue à l’unanimité. Evelyne passe le reste de la journée à prendre les mesures de la bâtisse avec cet appareil au laser qui me fascine qui, d’un simple rayon lumineux, donne les cotes au milimètre près, puis elle se met à l’ordinateur pour dresser les plans.

— Je croyais que tu voulais quelques jours de vraies vacances, ma fille, lui dis-je.

Elle me sourit et fait un geste pour désigner le paysage alentour.

— Mais regarde: c’est les vacances!

Le printemps est là, il fait doux. Le soleil commence à vraiment chauffer et il suffit d’un pull pour être tout à fait confortable sur la terrasse. Son petit joue dans l’herbe avec un chat.

— Et puis je ne te cacherai pas que ce projet de salle est parfait pour que j’expérimente une ou deux choses que j’ai dans la tête pour des parois modulables.

Un peu plus tard, Ana, Zee, Arnaud et moi faisons une séance adminstrative. D’abord un budget précis. Jusqu’ici, nous avons fait les dépenses qu’il y avait à faire sans compter, sans savoir de quelle bourse l’argent émanait. Nous listons les travaux à faire et les devisons. La comptabilité dans le Réseau est novatrice: en face du coût d’un poste, il n’y a pas forcément un prix en monnaie, mais très souvent un libellé tel que: troc, bénévolat, don, ou un nom. Celui d’une personne experte qu’on connaît à qui on va demander si elle est d’accord de venir faire le travail. En général, l’échange est le room and board (logement et nourriture) et le plaisir de rendre service dans le Réseau. C’est le cas pour l’électricité, Arnaud connaît un Louis que nous allons contacter. Il faudrait néanmoins une idée du prix du matériel, Evelyne pourra sûrement nous en donner une idée globale. 

Nous décidons alors de mettre nos revenus en commun et de tenir des comptes pendant quelques temps, pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Je me propose de le faire, ce n’est pas que c’est tellement ma tasse de thé, mais c’est quelque chose que je sais faire, alors que les autres avouent non seulement leur incompétence mais leur dégoût de la chose. 

Nous parlons de cela au repas du soir et Olivier propose de mettre son revenu dans notre caisse. 

— Pas question, dit Arnaud. Le logement n’a jamais été payant dans le Réseau, et puis vous allez avoir un bébé.
— Il y a le revenu de Zara et puis celui du bébé dès qu’il sera là. Moi, j’aime bien votre idée, j’ai envie d’être co-créateur de la maison. Quand ils seront là, j’aimerais bien m’occuper de jeunes. J’ai envie de leur proposer de faire de la musique.

Voilà qui nous ouvre encore des horizons. Nous discutons de l’endroit où faire de la musique. La grande salle polyvalente pourrait s’y prêter, du moins pour une partie, et Evelyne démarre immédiatement la réflexion pour des mesures d’insonorisation complète. 

Notre petite ruche est active et l’énergie qui s’en dégage est contagieuse. Dans l’après-midi, je capture un petit instantané du bonheur. Evelyne est toujours dans ses plans sur la terrasse. À côté d’elle, Ana a sorti des peintures et peint des galets avec Ehlam qui lui, peint surtout ses mains et ses bras. Zee est parti avec son appareil photo et il revient les bras chargé d’herbes médicinales. Il déclare que l’endroit est une mine d’or, il va faire des préparations thérapeutiques. Arnaud est sur internet à la recherche de l’aide dont nous avons besoin avec l’aide d’Olivier. Zara est étendue sur un transat, Viviane aussi, elle lit et Pablo arrose le jardin.

— J’aimerais bien tricoter de la layette pour mon petit, déclare Zara, mais je sais pas faire.
— Je t’apprends volontiers, dis-je.
— Ouais?
— Bien sûr, je vais adorer ça. 
— On va acheter de la laine?
— Tu sais quoi, j’ai même envie de la filer. On regarde si on trouve quelqu’un qui a des moutons dans la région? Pour un bébé, il faudra de la laine d’agneau. Il faut aussi que je trouve un rouet.
— Cool, tu sais filer la laine?
— Je sais.