Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

mardi 29 mars 2011

Rêve extra-terrestre

Depuis des semaines, je ne me rappelle pas de mes rêves, et ça m'énerve. Celui de la nuit dernière, non seulement, je m'en souviens bien, mais il m'a mise dans un état euphorique qui dure.

Nous sommes plusieurs amis rassemblés, occupés à je ne sais quoi. "Jouer", je crois. Soudain, dans un beau ciel bleu marine : deux soucoupes volantes. Je crie pour que tous les voient et je suis super heureuse, je saute de joie. Un moment plus tard, elle se posent devant nous, à quelques centimètres, avec beaucoup de douceur et d'élégance. A un moment, il y en a une toute petite de la taille d'un enfant, elle est cônique, elle tourbillonne devant moi et je m'étonne qu'il puisse y avoir quelqu'un à l'intérieur.

Scène suivante, les extra-terrestres sont là, ils nous ressemblent, on s'amuse beaucoup à faire connaissance. Beaucoup d'agitation et d'excitation, bien sûr. À un moment, une E.T. est submergée par nos questions et par celles qu'elle reçoit télépathiquement de ses compagnons restés dans les soucoupes et qui veulent tout savoir de nous. Alors elle dit :
— Je me demande si je peux faire ça, envoyer les infos en direct.
Elle m'attrape les deux joues et colle son front contre le mien. Elle lit dans mes pensées et envoie le tout à ses copains. Ça me fait une drôle de sensation dans le cerveau, un léger bourdonnement, ça n'est pas désagréable du tout. Je me dis que je veux envoyer seulement des jolies pensées, et je suis toute guillerette du chatouillement que ça me provoque.
Ensuite, elle teste de me faire lire quelque chose par télépathie. Elle colle un tube sur mon oeil gauche fermé et je m'attends à voir quelque chose par cet oeil. Au bout de quelques secondes seulement, je vois mentalement, mais par mon oeil droit, fermé également, un tube de lumière. Au moment où la femme E.T. me dit : « C'est par l'autre oeil que tu dois voir » que je vois le visage d'un homme blond aux cheveux mi-longs. En même temps que l'image, je reçois un paquet d'information et je dis : « C'est ton ami ! » et je ressens l'amour qui existe entre eux.

L'un de ses rêves qui n'en sont pas vraiment…
J'ai encore la sensation dans mon cerveau de la vibration provoquée par la lecture télépathique.

dimanche 20 mars 2011

La beauté du diable

Ils voyaient tous Michel Simon, elle a vu Gérard Philippe.
Ils ont tous dit : « N'y va pas, il va brûler tes ailes d'ange », elle l'a épousé de toute son âme.

Elle était aux commandes de sa vie, ce n'étaient pas ses amis ni sa famille qui allaient décider pour elle. Cette famille dont elle s'était affranchie, ces amis qu'elle avait choisis justement parce que, à l'inverse de sa famille, ils ne la jugeaient pas, l'acceptaient comme elle était. Peu importe ses choix, ils allaient rester fidèles.

Elle avait donc ouvert son coeur à ce si grand amour. L'autre tant attendu, l'âme-soeur.

Gérard était un être à part, elle lui voyait du génie là où les autres le trouvaient borderline. La vie l'avait cabossé. Incompris par sa famille, il entretenait avec les siens des relations difficiles, régulièrement conflictuelles. Il faisait volontiers un effort pour eux, mais leur incompréhension lui pesait. Elle le comprenait, elle. Elle voyait son âme, il l'en aimait encore plus pour cela. Il admettait un caractère difficile qui pouvait parfois tenir les autres à distance, elle savait le transcender, parce qu'en récompense, elle atteignait son noyau tendre, là où se trouvait tout cet amour pour elle…

Il avait déjà deux divorces à son actif quand il l'a épousée en troisièmes noces.
« Enfin toi », lui avait-il dit.
On l'avait aimée un peu auparavant, on lui avait fait des enfants, mais le grand amour, cette chose divine qui vous élève, c'est Gérard qui la lui apportait enfin sous les traits ingrats de Michel. Elle ne voyait pas sa laideur extérieure parce qu'il était si beau à l'intérieur.

Non, personne ne l'avait encore aussi bien aimée. Inconditionnellement. Totalement. Il ne voyait pas ses défauts, il ne voyait que sa beauté. Elle était sa muse, elle l'inspirait : grâce à elle, il avait pu finir d'écrire un livre qui stagnait depuis des années. Une très belle chose : « des vers en prose ». Un morceau de génie que personne n'allait éditer : trop nouveau, trop original, trop tôt pour ses contemporains tellement en retard sur lui.

Un père exigeant et sévère l'avait, elle, formatée. En coupant l'enthousiasme pour le remplacer par la discipline, en rognant sur la créativité pour la remplacer par l'étude, en étouffant les éclats de rire pour les remplacer par le catéchisme, elle rentrait maintenant bien dans le moule. Conforme, comme tous les êtres de sa génération. Il lui restait assez d'ailes pour voler comme une poule. Quelques mètres en hauteur et en longueur, juste de quoi croire qu'elle était libre de voler, mais son Jonathan Livingston était atrophié, ses éducateurs s'en étaient assuré.

La solitude du génie incompris l'avait, lui, poussé dans une dépression chronique. Il prenait chaque jour sa dose d'antidépresseurs et de tranquillisants. Elle trouvait que malgré cela, son âme débordait de partout et il restait beau. Il noyait dans l'alcool la non reconnaissance de ses semblables, mais elle allait l'en guérir. Grâce à elle, il redevenait lui-même. Nul besoin de le dire, c'était d'une telle évidence qu'ils étaient faits l'un pour l'autre.

Ô comme ils allaient conquérir le monde, ces amants-là !

Ils se sont aimés passionnément. Il composait des poèmes rien que pour elle. Il n'y avait qu'avec elle qu'il arrivait à être civilisé, avec les autres, c'était encore difficile, on l'avait tellement déçu ! Il aimait bien sa belle-famille, mais il sentait qu'ils ne l'acceptaient pas. En termes atténués, il lui faisait prendre conscience à quel point ces gens-là n'était pas bons pour lui, ni pour elle, ni pour personne. Elle aimait ce regard lucide, il lui ouvrait les yeux sur les choses et les gens. Il aiguisait son discernement.

Elle aimait tout le monde, elle. Aveuglément. C'est pour cela qu'elle avait tant souffert, lui disait-il, elle était trop gentille.  Grâce à lui, elle faisait le tri dans ses relations. Avec lui, elle était en sécurité.

Avec lui, elle allait retrouver des belles et grandes ailes d'ange. Il lui avait fait croire que d'abord, il fallait couper les bouts d'ailes pourries. Alors jour après jour, il avait taillé des morceaux. Une plume par ci, une plume par là. Il l'avait emmenée loin des siens, de ses racines. Elle aimait l'aventure, elle l'avait suivi dans ce pays triste qu'elle n'aimait pas. Tant pis, elle l'aimait lui, cela suffisait à remplir sa vie, à nourrir son âme.

Mais ce grand amour ne réussissait cependant pas à attirer l'abondance. C'est qu'il fallait du temps, encore du travail, des efforts, encore couper des plumes. Bientôt, la rassurait-il. Il n'avait pas de doutes, il fallait de la patience. Elle avait totalement confiance en lui, il savait, lui.

Elle n'a pas vu que ses rémiges ne repoussaient pas. Ces grandes plumes qui servent à voler. Elle n'a pas vu que la fine poussière de la tristesse se déposait sur ses ailes et non seulement les ternissaient, mais les alourdissaient.

Gérard puisait sa force en elle. Son amour, son rire, son approbation sans réserve, son soutien lui redonnait des forces. Un jour, même, il avait arrêté les médicaments. Et puis sa propre mère lui avait dit une chose méchante, il avait eu peur de sombrer à nouveau dans la dépression, et il avait vite repris des doses de prévention. Elle s'était dit que ce serait pour la prochaine tentative. Elle ne doutait pas de lui. Il fallait juste de la patience.

Quand il était chargé d'alcool, il devenait un abject Michel Simon, et il montrait son côté obscur. Là encore, elle l'aidait à combattre ses démons intérieurs, se persuadant qu'il ne voulait pas vraiment s'en prendre à elle. Si elle tenait bon, son amour allait le sauver. Le lendemain, il était si contrit qu'elle faisait tout pour qu'il n'ait pas honte. Elle oubliait les horreurs qu'il pouvait lui dire quand il était ivre, de peur que sa culpabilité l'entraîne vers cette dépression tant redoutée.

Quelle menace, que cette maladie ! Une épée de Damoclès susceptible en permanence de gâcher la relation. Une tension de tous les instants. Au point que, ne voulant pas ajouter aux difficultés déjà nombreuses de Gérard, elle avait complètement oublié de prendre soin d'elle et flétrissait.

À mesure que ses plumes tombaient, son énergie faiblissait. Il l'aima moins et c'était de sa faute, il eût fallu qu'elle trouvât de quoi blanchir ses ailes pour le reséduire, le reconquérir, redevenir cette blanche et pure épousée, redevenir sa muse. Pour qu'il puisse continuer à l'aimer.

Ils ont tous vu ses canines hypertrophiées, elle ne voyait que son sourire charmeur. Quand il l'embrassait dans le cou, elle ne sentait pas la morsure, elle se pâmait de sensualité.

Quand elle fut exsangue, grise et totalement déplumée, il déclara qu'il était homme de passion et qu'il en avait trouvé ailleurs. Il lui reprocha le piteux état de ses ailes, la traita d'égoïste et la laissa au sol, pantelante.

Mais encore vivante.

Quand elle eut retrouvé ses forces et après un passage chez le remplumeur qui lui avait rafistolé une paire d'ailes tout à fait acceptables, elle s'était demandé ce qui l'avait ainsi aimantée, et pourquoi elle avais passé outre les avertissements de ceux qui lui voulaient du bien. Comment avait-elle pu voir Gérard Philippe ? Une pathologie freudienne ? Un substitut de père ou de mère, comblant les vides laissés par eux ?

C'était bien plus noir.
Il lui fallait impérativement se brûler les ailes à cette diabolique beauté. Pourquoi ?

Elle a un jour vendu son âme au diable de son plein gré, elle a signé le pacte de son sang. Mais à l'inverse de Faust, elle a décidé de ne pas rester griller en enfer.

Elle a puisé à la source primordiale un feu alchimique, et son sang sur le papier s'est enflammé. Le pacte réduit en cendres, elle a secoué ses plumes et s'est relevée.

Le diable lui a donné la vision.

Elle voit désormais tout d'une limpide clairvoyance :
C'était une parodie de mariage, Gérard divisait pour mieux régner seul.
C'était une parodie de génie, les vers en prose étaient hermétiques à tous hormis Gérard.
C'était une parodie de connaissance, Gérard était un habile plagiaire.
C'était une parodie de santé, Gérard était un malade mental.
C'était une parodie de séduction, Gérard était un manipulateur.
C'était une parodie de générosité, Gérard ramenait tout à lui.
C'était une parodie d'amour, l'amour est éternel et indestructible.

L'amour procure la lumière, et la lumière tue les diables.