Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

dimanche 31 août 2014

Trouver son centre

LES CONSULTATIONS DE PATYJI 


Tôt ce matin, c’est un jeune homme un peu tendu qui consulte Patyji.

— Patyji, Grand Sage, je n'arrive pas a méditer ni à trouver mon centre, mais au fait, il est où mon centre, entre ma gauche et ma droite?

— Non, Padawan désorienté, ton centre est entre le haut et le bas. 

— Patyji, tu te moques de moi et tu ne me dis pas comment je peux faire pour arriver à méditer.

— Padawan confus, tu m’as posé une seule question, celle de l’endroit où se trouve ton centre et j’ai répondu à ta question.

Le jeune homme me lance un regard perdu et je sens que la réponse de Patyji ne fait que l’angoisser encore plus. Il aurait vraiment besoin de se détendre. Je lui viens en aide et demande à Patyji s’il aurait un bonne technique de méditation à conseiller.

— La méditation est un exercice très simple. Pas facile, mais simple. Il suffit de cesser la folle ronde des pensées agitées. Pour cela, on peut focaliser son mental sur une seule chose simple, comme une pomme ou un carré rouge. Quand les pensées parasites reviennent, visualiser une piste glissante et les laisser passer sans émotion, sans crispation. À moi de poser une question, maintenant, pourquoi veux-tu trouver ton centre?

La question désarçonne le jeune homme.

— Beuh, ben… Je sais pas… Pour mieux méditer. Ne doit-on pas méditer depuis son centre?

— Voilà une étrange question que je ne comprends pas. Au centre de quoi? Au centre de ton cerveau, de ton corps, de ton coeur? Méditer c’est penser, d’où part la pensée, d’après toi?

— Du cerveau?

— Eh bien alors voilà: médite depuis ton cerveau. Depuis le centre, si tu veux, mais si tu médites depuis un autre point, le résultat sera le même. Mieux que la méditation par la pensée, médite par la respiration.

— Patyji, Grand Sage hermétique, je comprends que dalle!

— C’est parce que tu penses trop, Padawan circonvolutionné. Dans ton cas, oublie la méditation, et respire. Va faire une grande promenade en forêt et remplis goulûment tes poumons en admirant les arbres et les fleurs. Respire consciemment et observe l’effet que cela fait dans ton corps. Et puis je vais te révéler un secret: ton corps n’a pas de centre.

Le jeune s’en va perplexe, il paye 4 balles car il estime avoir reçu le double de ce à quoi il s’attendait.






vendredi 29 août 2014

La classe!

TU DEVRAIS ÉCRIRE

Une pile de facture arrivant à échéance m’oblige à me laisser distraire de mon écriture pour effectuer quelques mandats rémunérés de mise en page.

Au fil de la relecture-correction, je rencontre cette phrase :

Je refusai d’entrer dans ce lieu commun où l’on pouvait tout entendre.

Je souris. Les lieux communs, effectivement, sont à éviter, c’est une faute de style. Le lieu commun, ici, est une cafétéria d'entreprise aux parois mal insonorisées.

Je suggère la correction suivante : 

Je refusai d’entrer dans cet espace commun où les murs avaient des oreilles.

Ailleurs :

On s’apprêtait à recevoir en grandes pompes.

On peut. Mais alors il convient de les choisir jolies, les pompes, pour ne pas nuire à la pompe de la réception. Je supprime ces «s» fautifs qui change toute la signification de la phrase.

Tout en opérant ces corrections et en corrigeant le style, je prends des notes mentales. Tiens, ici, je n’aurais pas formulé les choses ainsi. Là, j’aurais trouvé un synonyme plus éloquent. Plus loin, j’aurais étoffé la description. 

Quand je m’ennuie dans un texte, j’analyse pourquoi. Je trouve alors, par exemple, que le paragraphe est inutile et n’ajoute rien au récit ou que le style est surfait et mon esprit décroche du récit à cause de cela.

Cet exercice me permet d’améliorer et d’affiner mon style, en plus du plaisir qu’il me procure et des revenus y afférents. 

Gagnant-gagnant.








mardi 26 août 2014

Divination

TU DEVRAIS ÉCRIRE

La panne suivante est due à une astrologue de renom. Je la connais professionnellement, on s’aime bien, nous nous voyons pour un thé et pour des raisons professionnelles. Elle sait mon intérêt pour l’astrologie, elle me l’avait promis, elle me livre ce jour mes augures personnels pour l’année. Il fut un temps où j’écumais les devins, j’avais besoin de connaître mon avenir. Et puis j’ai appris que l’avenir, c’est un présent qu’on s’envoie dans le futur. Cela dit, ça m’amuse de savoir quelles étoiles vont illuminer mon chemin ces prochains mois.

Les augures sont bons. Il y a aura du pain et des jeux. Elle me promet de l’argent et des rencontres. Elle cherche à discerner comment interpréter les astres dans un coin de ciel particulier. Je l’aide: 

— Je suis en train d’écrire, vais-je avoir du succès?

Elle ne sait pas, l’astrologue de renom, ce qu’elle provoque à ce moment-là. Elle lâche le couperet de sa voix chaude :

— Ce n’est pas le moment de faire ça.

Bam! La flèche de la vérité tape dans le mille.

Elle ajoute sans lever les yeux et donc sans croiser mon regard découragé:

— Vous surestimez ce que vous faites, en ce moment.

Mince, elle a raison! C’est à la fois la brûlure acérée de l’orgueil salement froissé et un baume salvateur. Excellente remise à niveau. Effectivement, je m’égarais, je commençais à me prendre pour un auteur avec un grand H. Ma question «vais-je avoir du succès?» est révélatrice. Si j’écris pour avoir du succès, c’est raté d’avance. Écrire, c’est avant tout avoir quelque chose à exprimer.

N’empêche, elle m’a coupé la chique. Va falloir digérer cette ciguë, parce que ce n’est pas un ego froissé par une astrologue, même de renom, qui va diriger ma vie. Celle qui dirige en moi, c’est la Voix. Ou la Voie.

Et puis les astres proposent et je dispose, non mais!

Cela dit, une fois de plus, je constate que c’est un fragile animal que la création. Étrange alchimie d’inspiration, de connaissances, de travail et du juste moment. Je repense à ma vie antérieure de potière. C’était à la meilleure époque pour cela, la fin des années quatre-vingts. Nous étions encore des hippies et la céramique se vendait tels les fromages de chèvre sur les marchés artisans: comme des petits pains.

Au début, j’ai tourné des pots. Des grands, des petits; et j’ai concocté des recettes d’émail, des brillants, des mats, des lustrés, des ratés. Et puis la mode est passée et les petits pots ne plaisaient plus et surtout, je m’ennuyais à produire des pots. Produire n’est pas créer.

J’étais en panne, je cherchais une inspiration. Elle est venue. J’ai eu envie de fabriquer des fontaines d’intérieur. Les idées abondaient, certaines me sont même venues en rêve. Non seulement mes mains canalisaient la vision que j’en avais avec une singulière aisance, mais je résolvais les problèmes techniques avec une connaissance qui me surprenait. Je fabriquais une œuvre en provenance de je ne sais où. Dans ces moments, j’étais à l’essentiel. Le mental mobilisé seulement par quelques idées simples. «De cette façon... Non, pas comme ça, c’est moche... Oui, ça va marcher... Ah non, ça ne tient pas.»  

Et à la fin, jubilation face à la splendeur du vrai.

La seconde étape après sa création, c’est l’exposition de l’objet d’art. C’est un si gros morceau que c’est pour ça que les humains, des créateurs dans l’âme, se contentent de reproduire toute leur vie.

Se retrouver face à son oeuvre est déjà un choc. «Woah, c’est moi qui ai fait ça?» 
La réponse est oui et non, et c’est la première patate chaude. Oui, ce sont bien mes mains qui ont modelé cet objet, mais non, je n’ai pas vraiment créé cette œuvre, elle existait quelque part avant, c’est une certitude. Cette chose accomplie qui me fait face a son existence propre.

Pour tout dire, moi qui suis mère, j’ai eu le même sentiment face à mon premier-né. Impossible de nier qu’il sortait de mes entrailles, j’en avais les organes encore meurtris, mais il n’était pas mien, son souffle lui appartenait en totalité. Je contemplais ce petit être endormi comme une fleur encore en bouton; déjà il était lui, il n’avait jamais fait que passer par moi.

Une fois accouchée, l’œuvre est à présenter au monde. Et le monde va la juger. Moment terrible. Et si le monde détestait son œuvre? Ah oui, ce serait grave, parce que son oeuvre, c’est l’expression de l’âme du créateur, de son noyau tendre. C’est le meilleur de lui; d’ailleurs, lui-même est bouleversé quand sa meilleure sensibilité se révèle à lui.

Et les autres sont tellement méchants! C’est parce qu’ils ont peur, eux aussi, de la beauté qu’ils recèlent, alors quand un autre ose montrer la sienne, ils sont envieux et ils critiquent.

L’art ne se critique pas, il se ressent. On est touché ou on ne l’est pas, c’est tout ce qu’on peut être autorisé à en dire. Je ne m’embarquerai pas sur la critique des critiques d’art, ce serait aussi inutile qu’eux.

La créature achevée touche d’abord son créateur. Parfois au point qu’il n’arrive pas à s’en séparer. Il faudra bien, pourtant, qu’il coupe le cordon ombilical, sinon, c’est le pourrissement et la mort pour tous les deux. La création ne supporte pas la stagnation. Alors le créateur expose son œuvre. 

Ou plutôt, son oeuvre expose le créateur.

Et le pire, étonnamment, n’est pas l’insuccès, mais bel et bien le succès. Que faire quand l’œuvre est unanime à plaire? On la vend. Mais le prix n’est jamais le bon, il est toujours trop élevé ou pas assez. Jamais juste, et c’est bien normal, parce qu’une œuvre d’art n’a pas de prix.

Elle devrait revenir à celui qui l’aime le plus. Et quand il ne l’aime plus, parce que leur histoire d’amour est terminée, il devrait l’offrir au prochain amoureux. L’art ne peut appartenir à personne, l’art ne peut que servir, mais nous commençons à peine à comprendre cela.

C’est tout cela qu’elle vient de bouleverser, l’astrologue de renom avec son aiguille de vérité. Elle me fait voir que l’ego était en train de prendre une place insidieuse dans mon œuvre et que le créateur devenait plus important que la création. Je n’étais plus au service, j’avais besoin d’une piqûre d’humilité.

Je peux désormais retourner à mon écriture.








jeudi 21 août 2014

Vanité

TU DEVRAIS ÉCRIRE

Et dans «écrivain», il y a «vain».








dimanche 17 août 2014

Métamorphose

Cher Ami,

Tu es entré dans ma vie il y a déjà fort longtemps, et je ne me rappelle plus exactement comment, mais ce qui est sûr, c’est que je ne t’y ai pas vraiment invité. Je devais être encore petite fille et c’est un parent ou un éducateur qui m’a suggéré ton existence. Nous avons coexisté d’abord plus ou moins de bon gré et, au fil des années, tu as pris de plus en plus de place. Une place désagréable, tu as commencé à prendre des décisions pour moi avec lesquelles je n’étais pas toujours heureuse, mais j’ai cru que tu étais le gardien de la morale et que j’avais besoin de toi.

Tous les jours, tu grignotais un peu plus de place et je me suis habituée à toi. J’ai fait selon ta volonté sans me rendre compte que petit à petit, tu prenais le contrôle complet de ma vie. Tu t’es mis à dicter ma conduite, me mettant dans des situations d’abord désagréables, puis stressantes, puis franchement inconfortables et enfin intolérables. Endormie par ta prise de pouvoir lente et progressive, il m’a fallu des décennies pour réaliser que tu avais fini par prendre toute la place. C’est inacceptable. Ce n’est pas toi le boss.

Comprenons-nous bien, si tu as pu officier chez moi pendant tout ce temps, c’est que tu me servais, il n’y a aucun doute là-dessus. J’en profite pour te remercier chaleureusement de tes bons services, parce que tu m’as grandement aidée à rester dans le rang, à ne pas dérailler et à éviter des chemins malsains à l’occasion. 

Avant toi, j’étais un être spontané, j’étais de bonne humeur tous les jours. J’étais joyeuse, je chantais, j’étais curieuse de tout, j’apprenais de chaque situation de ma vie, et surtout, surtout, j’étais créative. Si j’observe ma vie aujourd’hui, je suis polie, d’une gentillesse souvent feinte pour ne pas créer de problèmes aux autres, je suis obéissante, je suis des règles qui ne sont pas les miennes. Je subis beaucoup de choses parce qu’à cause de toi, j’ai développé un syndrome de culpabilité à peu près permanent. Quand parfois il y a trop de tension en moi, je me transforme en harpie, je pique une bonne colère et ensuite, je dois ramasser des pots que je ne voulais pas casser. Ou encore, je tombe malade, histoire d’échapper à ma vie pendant quelques jours.

À cause de toi, je suis conforme à une vague idée collective, à une notion hypnotique d’un modèle civilisé. Au fond, je suis un robot sans âme, et je me flétris. Je ne veux pas continuer à mourir ainsi, aujourd’hui est le jour où je décide que ça change. Je supprime le poste de tyran intérieur et il faut impérativement que tu t’en ailles, parce que désormais, tu encombres. Encore une fois, merci pour tes bons et loyaux services, mais non merci, je n’en ai plus besoin.

J’ai cependant une proposition pour toi. Si le poste de tyran est supprimé avec effet immédiat, j’ai en revanche une ouverture pour un job de gardien de la flamme. Celle de l’enthousiasme, de l’envie de vivre, de la créativité appliquée, de la joie et de l’amour. Elle s’éteignait, cette flamme, il est temps de la raviver. Attention, c’est un job exigeant qui requiert une présence de vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J’ai confiance en toi, tu viens de montrer de quoi tu es capable dans le harcèlement permanent. 

Si le poste t’intéresse, tu commences immédiatement.




jeudi 14 août 2014

L'enfant intérieur

LES CONSULTATIONS DE PATYJI

Cet après-midi, c’est un homme un peu réservé qui consulte. Il est discret, aimable, peut-être un peu timide. Il semble avoir des soucis.

— Patyji, Grand Sage, comment puis-je trouver mon enfant intérieur?

— En le cherchant, Padawan égaré.

L’homme soupire et puis esquisse un sourire devant la simplicité de la réponse.

— C’est vrai: « qui cherche trouve» commente-t-il.

Comme il semble toujours aussi perdu qu’en arrivant, Patyji élabore :

— Quelle est ta vraie question, Padawan en quête? Que cherches-tu exactement?

— Eh bien je ne sais pas au juste. Ma vie est compliquée et lourde. J’ai des responsabilités qui me pèsent, j’aimerais pouvoir me sentir mieux. Il me semble que si je pouvais contacter mon enfant intérieur, je retrouverai la joie et la légèreté de vivre et mes problèmes se résoudraient.

— Si je te comprends bien, tu penses qu’un enfant à l’intérieur de toi pourrait résoudre tes problèmes? 

— Euh… non, maître Patyji, c'est une métaphore. J’aimerais retrouver mon âme d’enfant, ma passion de vivre.

— Ah oui, je comprends mieux, Padawan trop sérieux. Je constate effectivement que beaucoup d’humains ont mis la passion de leur âme en veilleuse et n’ont plus la même joie de vivre que quand ils étaient enfants. Eh bien pour attiser ce feu, il suffit de le décider. Et puis changer les habitudes néfastes pour adopter des habitudes plus saines. Mais la première chose et peut-être la plus importante, c’est respirer. Va dans la nature, respire à fond et regarde autour de toi. Dialogue avec les arbres, les fleurs, les animaux, retrouve ta faculté de t’émerveiller. Joue à vivre et tu verras, ça ira mieux. 

— Oui, c’est sûrement un bon conseil, Patyji suprême, mais je n’ai pas le temps, j’ai un travail, une famille, des responsabilités, et je ne peux pas aller me promener tous les jours.

— Mon cher Padawan, on a le temps qu’on prend. Tu ne peux pas vouloir que les choses changent et que tout reste pareil. Si tu veux que ta vie soit plus légère et heureuse, il faut  être d’accord de changer tes habitudes. Voilà bien le plus grand défi lancé à l’humain: changer. Une fois relevé, tu passeras de victime des mauvaises choses de ta vie à créateur de ta vie idéale. Mais comprends une chose essentielle: ce n’est pas ton enfant intérieur qui changera les choses, c’est toi. Personne ne vient te sauver de l’extérieur ou de l’intérieur. En fait, pour répondre à ta question, ton enfant intérieur est là, il ne t’a jamais quitté, il n’est pas perdu, tu as seulement cessé de le laisser te mener. En ce moment, c’est un de tes aspects qui dirige ta vie, un aspect sérieux et responsable, un peu trop sévère et gravement ennuyeux. Décide de renvoyer cet aspect et remplace-le par l’enfant en toi, puis permet-lui de prendre les décisions dans ta vie. Et pour lui redonner une meilleure place, une bonne recette est d’aller se promener dans la nature avec un chien joyeux, d’écouter le chant des oiseaux et de parler aux arbres et aux pierres. J'ai répondu à ta question.


L’homme s’en va, ragaillardi. Il a dans le regard un pétillement qu’il n’avait pas en arrivant, il me semble qu’il a dix ans de moins.








mardi 12 août 2014

Les bâtons dans les roues

TU DEVRAIS ÉCRIRE

Et puis dans les causes de panne de l'écrivain, il y a aussi les autres. Les siens. Les plus aimés de nos proches qui, à leur tour et comme si les obstacles n’étaient pas suffisants, mettent les bâtons dans les roues. Saboteurs!

Ce matin, un parent proche est venu se défouler sur moi. Quand il se défoule chez moi, ça va, mais sur moi, c’est lourd. Sa vie ne va pas fort, ces temps. Il a ses bâtons dans ses roues à lui. Il est venu râler, pester, tempêter, accuser et même crier. Et puis il a crié sur moi.

— Oh, mais toi, tu as toujours des solutions à tout!

Ah, pardon, j’essayais d’aider! J’ai eu le malheur de suggérer un conseil que je croyais bon et oui, ça avait l’air d’une solution, et non, je n’ai pas toujours des solutions à tout, par exemple, je ne sais pas comment dépanner la page blanche récurrente. Oui, je suis de nouveau en panne, c’est gentil de te soucier de moi.

Parce que nous sommes proches, il se croit permis de me traiter comme une serpillière. Il est tranquille, l’amour qui nous lie est de ceux qui ne s’usent pas. C’est de l’indéfectible. N’empêche. Elle en a marre la serpillière, elle a aussi ses soucis. Elle subit comme tout le monde le système qui part en vrille, la serpillière de service, elle a la météo en quenouille, la banqueroute des banques, la criminalité et les mensonges qui augmentent et par-dessus le marché, c’est bientôt pleine lune! Et ça commence à les lui briser menu, à la serpillière, qu’on la détrempe et la souille sans prendre le soin, ensuite, de rincer ses déjections et d’essorer avant de partir.

Alors voilà.

Une heure de gaspillée.

Une heure de page blanche à cause de lui. C’est tout de sa faute, d’abord!

Une heure à grogner intérieurement, une heure à tenter de me reconnecter à mon inspiration. C’est que mes héros ne vont pas avancer sans moi, et si je les rejoins dans cet état d’esprit, c’est eux qui vont me servir de serpillière à moi.

[…]

Eh bien voilà, c’est fait ! Le méchant de papier en a pris un sale coup, cet après-midi. Il a dégusté, bien fait, il n’avait rien qu’à être gentil, et moi, je suis calmée.

Ou comment faire feu de tout bois.






jeudi 7 août 2014

Le point G

LES CONSULTATIONS DE PATYJI

C’est un homme très sexy qui entre au cabinet ce matin.

— Patyji très inspiré, j’aimerais mieux aimer ma femme. Où se trouve son point G?

— Au centre de ton cœur. J’ai répondu à ta question.

L’homme se raidit, veut rétorquer, mais Patyji s’est déjà levé et il quitte la pièce. L’homme passe devant moi et refuse de régler la consultation.

— Tu rigoles, ça vaut même pas deux balles!

Je retrouve Patyji devant la machine à café, il est content de lui. Il l’est toujours quand la consultation dure moins de dix secondes.

— Tu charries, Patyji express, lui dis-je. Tout de même, cette fois, tu y es allé fort. Il a refusé de payer. Sais-tu seulement de quoi il parlait?

Patyji est un maître dégagé des besoins de ce monde, y compris financiers et sexuels. Le non-paiement le laisse de glace et il m’informe qu’il est parfaitement affranchi quant aux choses du sexe.

— Le point G est en référence au sexologue allemand Ernst Gräfenberg qui, le premier, considéra la sensibilité érotique de cette zone en 1950. Sa thèse décrit une zone dans le vagin répondant à la stimulation directe pour provoquer un orgasme chez certaines femmes. L’emplacement exact de cette zone porte à controverse, les experts ne sont pas tous d’accord.

— Comment sais-tu tout cela, érudit Patyji?

— Grâce au wifi que je capte depuis ma chambre et à Wikipédia, innocente Padawan.
Il a réponse à tout, ce sacré Patyji.

— Et alors? Tu sais où il se trouve?

— Eh bien comme je l’ai dit, au centre du cœur. Si le consultant de ce matin veut mieux aimer sa femme, c’est depuis le cœur que ça va se passer. Maintenant s’il recherche la performance sexuelle, d’abord, qu’il pose la question avec précision et ensuite, qu’il continue sa quête du Graal ou quête du point G. C’est la même chose: dans les deux cas, c’est la quête qui a de la signification et non le G ou le Graal.

Je reste songeuse un moment.

— Ta réponse valait bien plus que deux balles.

— Voilà une grande sagesse, Padawan domestique.
Et il glisse une pièce de deux balles devant moi.


Je rappelle que vous pouvez vous aussi poser vos questions à Patyji à l'aide du formulaire de contact que vous trouvez là, dans la colonne de droite.

mercredi 6 août 2014

Le beau, le laid

TU DEVRAIS ÉCRIRE

J’aimerais raconter une belle histoire, mais c’est impossible, n’est-ce pas? Dans une histoire, il y a de tout, du beau, du laid, sinon, ce n’est pas une histoire.

Et puis ce serait quoi, une belle histoire? Une histoire de gentils qui gagnent à la fin, parce que c’est ainsi, les gentils gagnent toujours à la fin. Il suffit de lire le livre jusqu’au bout.

Platon a dit : «Le beau est la splendeur du vrai». Il l’a dit en grec, il y a longtemps. C’est une petite phrase de rien du tout qui a l’air anodine, comme ça. Elle sonne comme une lapalissade, mais quand on la redit en y pensant, on plonge dedans, parce qu’elle est profonde. C’est l’une de ces vérités qui ouvre un rideau sur un univers de conscience. Ça raconte que la vérité resplendit. On le sait tous, instinctivement, que quand on ment, à soi-même ou aux autres, c’est moche. Le mensonge enlaidit, alors que le vrai est splendide.

La jeune beauté blonde, fraîche, pimpante, maquillée, mais creuse à l’intérieur, on le sait déjà qu’elle va finir vieille, ridée, méchante. À moins qu’elle ne contacte un jour sa beauté intérieure et la fasse resplendir.

Personne n’est à l’abri d’un éclair de lucidité.

La belle histoire, c’est celle qui raconte ce qui est vrai. La vérité est toujours bonne à dire. Elle n’est pas toujours facile à entendre, mais sans la vérité, pas de beauté.

Et la vie sans beauté, c’est moche.

Je dis cela parce que mes héros traversent l’une de ces vagues qui font boire une grosse tasse. Il y a des morts, des drames, c’est comme ça, c’est la vie. Je ne sais pas encore comment ils vont reprendre leur souffle, mais ils vont s’en sortir.

Sauf le méchant.

Voilà.




samedi 2 août 2014

Manque de recul

TU DEVRAIS ÉCRIRE 

Cinq heures du matin, je ne sais pas ce qui m’a réveillée. Je n’arrive pas à me rendormir et je pense à mon écriture.

Mon roman m’emmerde. 

C’est sévère. Cette histoire m’ennuie au point que je m’en détourne depuis des jours. Mon récit est mauvais. En tous cas, il l’est devenu récemment. Pourquoi? Je cherche et je trouve. Une fois de plus, j’ai déraillé et je suis à nouveau substituée à mon héroïne. Je me suis trop impliquée dans mon récit et j’ai perdu de vue mon but. Qu’est-ce que je veux raconter, au juste? Ah voilà une bonne question. Pourquoi ou plutôt, pour qui écris-je? Quel message veux-je faire passer? 

Tout. Voilà mon erreur, je veux tout raconter très vite. Je voudrais tout partager de ce que je sais, de ce que j’ai compris, en vrac, en masse. Un peu trop généreusement.

Un jour que j’étais déjà aux prises avec cette problématique, un écrivain m’a dit:

— Écris un livre à la fois.

Devant mes yeux ronds, il a précisé.

— Tu as toute la vie pour écrire tous les livres que tu veux, écris un seul livre à la fois. C’est le défaut de tous les débutants que de vouloir tout livrer d’un coup.

Il était également éditeur, et un jour, il avait accepté de publier un manuscrit à la limite du médiocre, décelant néanmoins un potentiel chez son auteur.

— Il faut le débarrasser de son premier roman. Il écrira mieux ensuite.

Je confirme. Il encombre, le premier livre.

Et voilà que ces considérations ont ouvert mes vannes et dans la journée, j’écris trois chapitres d’un coup.