Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

samedi 18 janvier 2014

Le seuil

Il y a plusieurs mois déjà, j’ai fait un rêve pénétrant dont le souvenir reste précis et olfactif. Je suis sur un seuil. Un immense seuil de la taille d’un hangar pour avion. Derrière moi, un monde à la «Mad Max». Désolé, dévasté. Des monceaux de ferraille rouillée avec çà et là, quelques personnes en haillons qui soulèvent des poutrelles dans l’espoir d’y trouver quelque chose. À manger?Certainement pas, car il n’y a plus rien d’organique dans ce monde en désintégration. Les uns ne semblent pas voir les autres, c'est un monde d'après la sauvagerie, et je ne suis déjà plus concernée.

Sur le seuil, un espace dégagé en béton. Je suis dans un endroit neutre, sans vie. Je ne vais pas survivre ici. Une ou deux personnes avec moi sur ce seuil, mais nous ne sommes pas ensemble. C’est chacun pour soi, chacun face à son propre choix. La plus grande des solitudes.

Devant, le vide. Un ciel bleu azur lumineux, frais et vivifiant. Pas de haut, pas de bas, rien de visible pour prendre la mesure de ce nouveau monde. Je sais que je dois avancer pour qu’il se matérialise sous mes pieds. Impossible de capter sa réalité tant que je n’ai pas fait le choix d’y pénétrer. Comment je sais cela? Mystère, mais c’est une certitude. Je sais aussi que ce qui va se matérialiser, c’est selon ma croyance. Au pire, si je crois que je vais tomber, je vais tomber. Une chute sans fin, puisque ce monde, de mon point de vue, n’a pas de fond, pas de plafond, pas de murs. Hé, mais peut-être vais-je flotter? Flotter sans fin dans un monde vide bleu azur, est-ce vraiment mieux que le monde plein de rouille?

Je dois faire un leap of faith. Un saut de confiance. Avancer dans ce vide et faire confiance que quelque chose de merveilleux va se matérialiser. Je peux imaginer un chemin lumineux qui prend vie sous mes pieds, une passerelle enchanteresse qui m’amène dans un décor digne des meilleurs effets spéciaux. Quelque part en moi, je l’ai, cette totale confiance, j’ai même la certitude que ça va dépasser mes plus folles espérances. Je vais être sciée, c’est sûr! D’où me vient cette certitude? Mystère et boule de gomme, mais c’est chevillé à mon ADN.

Des mois que je suis sur ce seuil. Des mois que je suis aux prises avec mes peurs. Rationnellement, y’a pas photo. L’ancien monde, c’est bon, j’ai fait le tour, j’en ai plus que marre. Se taper dessus, s’entre-dévorer, c’est fait! Je n’ai vraiment plus rien à expérimenter de ce côté-là, l’humain a prouvé de quoi il est capable dans l’horreur, chapitre clos. J’ai une belle grosse envie d’aller de l’avant. Qu’ai-je à craindre? Le pire, je l’ai dit, flotter sans fin dans ce vide. Mortellement ennuyeux, mais au moins, agréable et sans douleurs.

Des mois que je décortique les différentes peurs qui me retiennent sur ce seuil. Très vite éliminée la peur de mourir, de souffrir. La peur de l’inconnu perdure, elle est dans l’humain, celle-là. C’est un composant essentiel d’une psyché humaine normalement constituée. Mais je sais avancer avec mes peurs, je me le suis maintes fois prouvé. Un de ces quatre, je vais prendre une grande inspiration et je vais le faire, ce premier pas dans le nouveau monde.

Mais alors qu’est-ce qui retient?
La peur de perdre. Perdre quoi, exactement? Mes connaissances? Mes références? Perdre mes amis? Les amis, ça fait un petit moment qu’ils sont comme moi, seuls face à eux-mêmes. Personne, pas de père Noël, de bon papa ni de Dieu omnipotent pour vivre la chose à ma place. C’est mon choix à moi et rien ni personne pour m’influencer. Peur de ma liberté, peut-être ?

Si j’opte pour l’ancien monde, ce sera le retour à la sauvagerie. Si j’avance, ce sera l’amour inconditionnel. Sur le seuil, je suis déconnectée.

Je vais devoir être d’accord de tout lâcher de ce que je sais, peut-être même la mémoire de toutes mes expérimentations. Impossible d’entrer dans ce monde sans une candeur retrouvée. Un reset complet. Redevenir un bébé qui découvre le monde.

Oui, c’est ça. Tout lâcher sans conditions, puis avancer et permettre l’expérience de m’atteindre.
Tout lâcher pour tout recevoir. Faire le vide avant de faire le plein.

Tout lâcher, c’est fait. Je suis sur le seuil avec quelques habits sur le dos, rien dans les mains, rien dans les poches. L’essentiel est en moi, il est indestructible. Au fond, je le sais bien, mon choix est fait. Depuis longtemps. Il faut juste que je le mette en action.

Bon, mais alors qu’est-ce qui me retient de mettre un pied devant l’autre?

Je viens de comprendre. J’ai une trouille monumentale de ce dont je suis capable. Quand je vais enfin avancer, je vais avoir la réponse à tout, mais surtout, je vais découvrir que je peux tout. Qu’est-ce qui me fait le plus peur, constater que mes possiblités sont illimitées ou craindre de mal les utiliser? Ai-je donc encore peur de moi?

La vraie question est: suis-je prête à me faire totalement confiance?