Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

mercredi 7 mai 2014

Disque rayé

Il est arrivé au sommet avant son client. En bon sherpa, il a ouvert la route, il a contourné les obstacles, facilité l’ascension, il a servi de guide. Normal. C’est son métier.

Au sommet de la plus haute montagne, ils se sont assis pour assister au lever du soleil. Splendide, unique, un matin particulier du monde, toujours renouvelé et qui vient s’ajouter aux milliers de matins où il a contemplé ce majuestueux spectacle.

C’est beau, c’est sûr que c’est beau. Non, il ne s’en lasse pas vraiment, parce que chaque aube après une ascension est une aventure particulière, mais enfin c’est toujours la même aube sur la même montagne. Parfois, il aimerait un orage ou que le ciel s’ouvre et que Dieu ou des extraterrestres apparaissent, enfin quelque chose histoire d’être surpris.

C’est une splendeur, il en convient, mais une splendeur monotone.
Il l’avoue, il s’ennuie.
Il ne se plaint pas, il n’oserait pas, il est plein de gratitude pour le fait d’exister, qu’on ne se méprenne pas.

Pas moyen d’aller plus haut à moins d’avoir des ailes, pas moyen de faire mieux pour l’instant. Alors faute de ce mieux, justement, il redescent. Il accompagne son client pour son retour dans ce qui est important pour lui, son travail, sa famille, sa vie en société, là où il a encore des choses à vivre. Et demain, il grimpera avec un autre client.

Lui, la vie en bas, il en a fait le tour, il est attiré par l’ailleurs. Il a parcouru le monde, il a tout expérimenté, et maintenant, il s’ennuie. Pas au point d’en finir avec la vie, il y passe des bons moments, dans la vie, mais il a soif de motivation. Il ne sait pas ce qui pourrait l’enthousiasmer. N’existe-t-il pas autre chose que la vie et la mort? Les roues qui tournent sans fin? N’y a-t-il pas une porte de sortie, ou plutôt d’entrée sur un autre monde? Qu’y a-t-il après le sommet de la montagne?

Il a soif de nouveau. De jamais vu. Il est prêt pour la suite.
Il attend.
Un signe, un autre compagnon d’ennui qui se joindrait à lui, et ensemble, ils auraient peut-être une idée où chercher.

En attendant, il contemple un énième lever de soleil qui ne lui donne plus le sentiment d’une aube nouvelle depuis longtemps, mais d’un disque rayé.

Un disque solaire splendide, mais rayé.