Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

vendredi 19 septembre 2014

La technologie, une menace pour la créativité

LES CONSULTATIONS DE PATYJI

— Patyji, ô grand sage éclairé, que penses-tu de la technologie moderne? Crois-tu, toi aussi, que c’est une menace pour la créativité?

— Padawan innocent, voilà une excellente question. Mais je vais répondre à ta question par une autre question: c’est quoi la technologie moderne?

— Bin… les ordinateurs toujours plus performants, tous les gadgets comme les smartphones toujours plus smart (intelligents), les tablettes de lecture, etc. 

— Et comment a-t-on développé ces objets? 

— Euh… des gens les ont inventés.

— Précisément. Et l’invention, c’est quoi? De la créativité, n’est-ce pas? Cette affirmation pourrait donc être ainsi formulée: la créativité nuit à la créativité. C’est impossible. J’ai répondu à ta question.

— Ah oui, vu comme ça… Mais je suppose qu’ils veulent dire que les applications ou les jeux ou l’utilisation que nous faisons grâce à cette technologie moderne nuit à la créativité.

— C'est autre chose. Et que croist-tu, toi?

— Franchement, moi je trouve tout le contraire. Il m’arrive de jouer à des jeux abrutissants, mais au bout d’un moment, j’en ai marre, et j’ai besoin d’autre chose. J’aime utiliser la technologie pour me documenter, apprendre des nouvelles choses et communiquer avec les autres. 

— Autrement dit, ces objets technologiques ne sont que des outils pour toi?

— Oui, absolument!

— Voilà. C’est exactement ça. Ce ne sont que des outils. À chacun de choisir ce qu'il veut en faire. Disposer de nouveau outils ne peut nuire à la créativité, bien au contraire. Ce qui nuit à la créativité, c’est la paresse. Celle de l’esprit, celle de l’âme. Et cette paresse est alimentée par ce que la technologie véhicule de plus en plus: les jeux abrutissants, les programmes télé appauvris, etc. Mettre la faute sur la technologie est une très jolie diversion pour éviter que chacun prenne la responsablité de sa propre paresse. Une question plus intéressante serait: à qui profite le crime? Pourquoi chercher à faire croire que la technoloige est une menace pour la créativité? 

— Mh, bonne question immense Patyji. Peut-être parce que justement, grâce à la technologie, on pourrait avoir encore plus de créativité?

— Bravo, Padawan illuminé. Tu as tout compris. Un esprit libre, un mental autonome ne peut que se réjouir d’une technologie toujours plus avancée. Le problème du moment n’est pas l’avancée de la technologie mais le sommeil de la conscience. Comment la réveiller, voilà une autre bonne question dont la réponse sera pour un autre jour.





lundi 15 septembre 2014

Orthograve

TU DEVRAIS ÉCRIRE

Écrire, oui, mes comment?

Écrire bien. Écrire correctemant. Trouvé les maux pour le dire, et les pauser sur le papié avec la bonne ortograve.

Une tache ardue que d’écrire sans tâches. Déjouer lé pièje de la gramère, respecter la concordanse des tant, la conjuguézon dé verbe et usez de la ponctuassion a bon essian.

La plus grande difficultez est et resteras l’accor du participe passer. Pour les verbe avec l’auxilière avoir, ils s’accorde avec le complèman d’objé directe (les jeune générassions appèlent cela autremant, pardon, gignorre comman, je n’ait pas suivie) quand il est placer avant le verbe. Il s’acorde toujour quant le verbe est utiliser avec l’auxilière être. Il suffit de s’en rappellé.

« Se qui ce conssoit bien s’énonce clairemant et les mot pour le dire arrive aisément» a dit Nicolas Boileau. Mais ils n’arrive pas toujour avec la bonne ortaugraphe, et quand le maux est mal épelé, avoué que ça pennalise la lecture. Sans compté que ça fait passer l’auteur pour un ilètré, je trouve.


Pour ma part, j’aime les mots et la bonne orthographe. Les justes lettres au bon endroit pour composer le mot lui donnent son identité et son esthétique. Si mon nom, par exemple, est mal orthographié, ce n’est pas moi.

Quant à la ponctuation, elle est cruciale et peut même être fatale. On se souvient de l’exemple magistral du sms du président de la République au bourreau au sujet du condamné à mort :

« Tuez pas gracié ». Le bourreau n’a pas su quoi faire.

« Tuez, pas gracié », voilà une virgule fatale, et
« Tuez pas, gracié », elle devient libératrice.

Une toute petite virgule qui fait une grosse différence.








vendredi 12 septembre 2014

Succès

TU DEVRAIS ÉCRIRE

Quand l’écrivain dont j’ai parlé plus haut m’a conseillé d’écrire un livre à la fois, il ne m’a pas expliqué comment choisir lequel. C’est que j’ai des milliers d’histoires à raconter, moi, alors par laquelle commencer?

Choisir, c’est s’engager sur un chemin et abandonner les autres. Choisir une histoire, la raconter. L’écrire, la relire, la modifier, l’enjoliver. Rater, recommencer. Laisser aller le récit et décider d’une fin. Même temporaire, même elliptique, mais arriver à ce point final, et dire : «voilà, c’est fait».

Finir. Encore une peur à affronter. Aboutir. Et après? 

Après, l’offrir au monde. Après, si mon plaisir rencontre celui du lecteur, c’est tant mieux. Mon bonheur sera là.

Et si c’était le succès? Le best seller prévu dès le départ? C’est que je veux bien du succès pour mes écrits, mais pas pour moi. Les projecteurs, les interviews, les signatures, je suis terrifiée. Je ne sais pas faire, être célèbre.

Je revis mon premier succès de quand j’étais potière. J’avais fabriqué une très belle première création, une fontaine d’intérieur. Une inspiration, un jour, et je me suis lancée, pas sûre de résoudre les problèmes techniques. L’œuvre est arrivée avec élégance. Une très jolie petite fontaine, toute simple, et qui fonctionnait bien.

J’ai eu le coup de foudre. Je l’ai mise en vente, mais à un prix que je pensais astronomique, histoire de dissuader le chaland. Manque de pot, comme c’était un bel objet avec une âme, un chaland sensible a eu le même coup de foudre :

— Oh, quelle magnifique fontaine! Combien? Je la prends.

J’ai failli répondre : 

— Vraiment?

Je me suis mordue la langue à temps et j’ai savouré le moment. L’œuvre était en train de faire mon bonheur en faisant le bonheur de quelqu’un d’autre. J’ai alors compris que l’œuvre créée par moi ne peut être un chef-d’œuvre qu’à la condition que je l’offre au monde.

Faire face au succès fait partie du jeu.






dimanche 7 septembre 2014

Marcher à pied

TU DEVRAIS ÉCRIRE

Un ami vient de publier son premier roman chez un éditeur prestigieux. Il m’avait donné trois chapitres à lire pendant qu’il l’écrivait, c’était excellent et je me réjouissais de la suite.

Il vient de m’en dédicacer un exemplaire. L’objet dans les mains, je ressens deux sentiments qui me surprennent et m’amusent.

— Je suis fière de toi, lui avoué-je.

Aucune raison de l’être, sauf peut-être que, comme il le dit: 

— C’est comme si ça faisait partie de la famille.

Quel est ce «ça» qui l’émeut? Notre étrange amitié, sans doute. Nous parlons peu, nous nous voyons encore moins, mais il y une indéniable familiarité entre nous.

— L’autre, c’est de la jalousie, dis-je.

Il grimace, il n'aime pas l'idée. Il s’enquiert du pourquoi, j’avoue :

— Parce que je veux faire comme toi et que tu m’as coiffée au poteau! Mais je te rassure, c’est une bonne jalousie mobilisatrice qui me motive d’autant plus pour continuer.

À ce stade, je n’avais pas encore lu l’ouvrage qui, avant même de se faire dithyramber par la critique, s’était déjà distingué comme ayant la «meilleure première phrase d’un roman». J’en suis particulièrement admirative, de cette première phrase. Elle est parfaite, percutante, imagée, elle contient le livre. Suffisamment énigmatique pour que, dès son point final, on n’ait qu’une envie, celle de lire la suite.

J’aime son style, je voudrais écrire comme lui. À un moment, nous échangions par mail, et son verbe me donnait toujours envie d’écrire bien. Trouver le juste substantif pour exprimer ma pensée à composer avec la meilleure grammaire. En vérité, j’ai confondu jalousie et admiration.

La suite de son roman est à l’envi. Les phrases colorées coulent, décrivent, suggèrent, racontent. Le vocabulaire est original sans être pompeux, les phrases sont vigoureuses, organiques, le récit est vivant.

À l’avant-dernière ligne de la première page, je tombe sur: «un kilomètre de marche à pied».

Je jubile !

En tant que correctrice, j’aurais sauvagement coupé la marche ou les pieds, parce que la marche à pied, c’est comme la topographie des lieux ou un petit nain, c’est pléonasismique. Pléonasismique, c’est un néologisme gonflée et intelligent, il suggère une répétition qui secoue. Un néologisme gonflé, c’est limite redondant. Redondant, c’est l’adjectif qui signifie que c’est un pléonasme, c’est donc un synonyme du néologisme pléonasisimique.

Et le paragraphe précédent est ampoulé, amphigourique, plastronneur et prétentieux pour montrer que j’ai du vocabulaire et de la culture, et je prends un grand plaisir à l’étaler.

Ce qui me fait jubiler, c’est que l’auteur que j’admire n’est pas parfait, ça va me laisser une place à côté de lui sur le piédestal. Ouf ! C’est pile ce qu’il me fallait pour que je me remette à faire couler sur ma page blanche une encre qui séchait en même temps que moi.

Un double merci, l’ami, pour cet excellent roman qui m’a donné du plaisir et qui fertilise mon écriture.

La création, c’est contagieux.



Bande de nains





mercredi 3 septembre 2014

Salon du livre

TU DEVRAIS ÉCRIRE

Elle est là dès l’ouverture pour vérifier que son livre est en bonne place sur le stand de son éditeur. L’assistante, qui est en train d’achalander les rayons, la rassure, demain, pour sa séance de dédicace, la table lui sera tout entière consacrée. Ce n’est pas son souci, à l’auteure, elle les veut tout de suite bien en vue, ses bébés. L’assistante lui répond gentiment qu’elle n’est pas toute seule, qu’il s’agit pour l’instant de mettre tous les auteurs en évidence, pas seulement elle. Elle insiste, attrape une pile de ses livres et les range tout devant. L’assistante attend qu’elle ait tourné les talons pour rectifier l’arrangement. Le lendemain, elle revient, comme c’est son heure et elle envahit l’espace. Son expresson est si tendue par l'angoisse de ne pas vendre que les gens font ostensiblement un écart devant sa table. Elle finit pas les apostropher comme une marchande de poissons: «Vous avez lu mon livre?». À l’occasion, un chaland s’arrête pour l’écouter. Elle lui fait l’article, son livre est un pamphlet géo-politique, elle milite pour sa cause. Elle finit par intéresser quelques personnes et enregistre quelques ventes.

Lui, il a écrit un livre édité dans la même collection, même couverture, même marketing. Il vient dire bonjour dans l’après-midi, il demande comment ça se passe. Il remercie l’assistante de l’avoir bien placé sur le stand, puis il annonce qu’il revient tout à l’heure; sa séance de signature est prévue après celle de l’autre alors il va faire le tour du salon. Quand il est de retour, avant de s’installer, il propose à l’assistante d’aller lui chercher un café. Elle accepte volontiers, elle est aux prises avec l’autre qui refuse de libérer la place, qui demande si elle ne peut pas avoir un peu plus de temps, est-ce que son collègue pourrait se contenter d’un bout de table qu’elle veut bien concéder? L’assistante finit par obtenir à grand renfort de diplomatie qu’elle laisse la chaise au suivant, l’auteure prend cependant bien soin de disposer une dizaine d’exemplaires de ses livres par-dessus ceux déjà exposés sur le reste du stand. 

Quand il revient avec le café, il remercie l’assistante, il sourit, il parle avec les gens, il les écoute. Et puis il parle de son livre avec chaleur et modestie et en dix minutes, il vend déjà deux fois plus que l’autre en une heure qui fait la grimace, à l’écart. Elle est restée collée dans le secteur dans l'espoir d’attraper encore un ou deux chalands. Quand son heure est passée, il s’inquiète de savoir à qui le tour. L’assistante lui répond que c’est tout pour aujourd’hui. Il reste un moment à papoter avec elle puis s’éclipse quand le public revient la solliciter. Il lui fait un gentil geste de la main et un grand sourire, il fait comprendre qu’il reviendra dire au revoir plus tard.

Le lendemain, à la première heure, la première est de retour, en rage. Elle n’a pas reçu son invitation à la soirée des auteurs. Elle fait un scandale, réclame le directeur, déclare avoir fait l’ouverture du salon du livre de Paris aux côtés du président et ici, dans ses propres terres, elle est ignorée, quel scandale! Elle fait suffisamment de bruit pour obtenir son sésame et le soir même, emmêchée, elle va flirter avec les auteurs connus, son livre sous le bras. Elle est convaincue qu’un best-seller est une affaire de marketing. L’avenir lui donnera sévèrement tort.

Cet autre est un auteur volubile qui a édité un tout petit recueil de poèmes, et cela à compte d’auteur. Il est fan de l’éditeur qu’il est venu saluer, il lui faut dix minutes pour raconter cela à l’assistante. Comme l’éditeur n’est pas là, il montre sa production à l'assistante, ce sont les grands classiques que tout le monde aime, L’Albatros, Le Dormeur du val. En couverture, une reproduction du mois d’avril des Très riches heures du Duc de Berry. Une précieuse érudition en trente pages qu’il vend cinq francs.

…Qu’il finit par donner avec verve aux chalands après avoir vendu un exemplaire qu’il a dédicacé. Il a payé un coup à boire, il a plaisanté, il est venu, il a provoqué un courant d’air frais et joyeux et il est parti. Poli, vieille France, il n’a parlé que de son nombril, mais avec une telle élégance que ce n’est qu’après son départ qu’on se rend compte qu’il n’a écouté personne d’autre que lui.

Celui-là est l’auteur de la dernière parution chez l’éditeur. À l’heure de sa séance de dédicace, non seulement il n’est pas présent, mais il ne répond pas à son téléphone. Et pour cause. Une fois alerté de la chose, l’éditeur part le chercher là où on lui a dit l’avoir aperçu dans le salon. Il le trouve sur le stand d’un gros diffuseur, des caméras de télévision braquées sur lui. Il ne s’excuse même pas de son absence, il lui semble tellement normal et compréhensible qu’une caméra l’emporte sur une séance de dédicace qu’il ne voit pas la faute. Il avait fait le siège des éditions et harcelé un directeur de collection jusqu’à ce qu’il cède et accepte son livre, un ouvrage illustrés avec beaucoup de photos sur un sujet grand public. Il était tellement pressé de le voir édité qu’il a négligé la relecture attentive des épreuves et l’ouvrage comporte des imprécisions et quelques coquilles regrettables. Le livre se vendra bien, mais moins bien que l’ego de l’auteur ne l’imaginait, ce qui provoquera la guerre avec l’éditeur. Après avoir traité ce dernier de menteur et de voleur, l’auteur reprendra ses droits et ira répéter le scénario chez les concurrents.

Elle, petite, mesquine — ça se voit sur elle — arrive avec son manuscrit sous le bras. Elle a contacté l’éditeur à plusieurs reprises et fait le siège du stand depuis ce matin pour le rencontrer en personne. Elle prétend avoir écrit «un livre révolutionnaire avec des idées révolutionnaires encore jamais entendues» mais veut un contrat signé avant de le donner à lire. L’éditeur lui explique gentiment qu’il veut bien la croire sur parole, mais qu’il ne signera un contrat que preuves en mains. Elle craint tellement que ses informations soient piratées qu’elle se recroqueville sur son document. À force de palabres, l’éditeur fini par obtenir de pouvoir feuilleter quelques pages qu’elle lâche péniblement, comme une mère qui refuse qu’on porte son enfant. Après un moment qui lui semble insoutenable, elle referme le livret et le reprend des mains de l’éditeur. En fait, elle a écrit sur un sujet chaud qui défraye la chronique et qui est bien plus abondamment documenté sur le web que dans ses pages. L’affaire ne se fera pas.

Sur le forum, un auteur connu participe à une conférence sur le livre numérique. C’est une évolution dans l’édition, on la craint comme on a craint le téléphone, la télévision et internet à leur arrivée dans le paysage. L’auteur, qui n’y connaît pas grand chose, déclare que le eBook va tuer le livre papier, que pour sa part, il n’y croit pas, qu’il ne voit pas Guerre et Paix être lu sur un iPad. Pourtant, se dit l’assistante, le texte est le même, la tablette de lecture n’est qu’un support de lecture différent.

Dans le domaine, c’est intéressant, il y a ceux qui profitent de l’aubaine de la nouveauté en proposant une libraire en ligne pour diffuser les eBooks que d’autres écrivent et fabriquent. Ils prennent 40% du prix de vente pour faire ce qu’on peut faire soi-même: vendre son livre directement sur le web. L’assistante qui écoute l’argument ne comprend pas bien pourquoi un auteur lâcherait un pourcentage de son livre quand il peut obtenir plus sans intermédiaire.

À prendre ainsi note des agissements de cette fourmilière édifiante, l’assistante se dit qu’un de ces jours, elle écrira un livre sur l’écriture et sur le monde fascinant de l’édition.