Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

dimanche 7 septembre 2014

Marcher à pied

TU DEVRAIS ÉCRIRE

Un ami vient de publier son premier roman chez un éditeur prestigieux. Il m’avait donné trois chapitres à lire pendant qu’il l’écrivait, c’était excellent et je me réjouissais de la suite.

Il vient de m’en dédicacer un exemplaire. L’objet dans les mains, je ressens deux sentiments qui me surprennent et m’amusent.

— Je suis fière de toi, lui avoué-je.

Aucune raison de l’être, sauf peut-être que, comme il le dit: 

— C’est comme si ça faisait partie de la famille.

Quel est ce «ça» qui l’émeut? Notre étrange amitié, sans doute. Nous parlons peu, nous nous voyons encore moins, mais il y une indéniable familiarité entre nous.

— L’autre, c’est de la jalousie, dis-je.

Il grimace, il n'aime pas l'idée. Il s’enquiert du pourquoi, j’avoue :

— Parce que je veux faire comme toi et que tu m’as coiffée au poteau! Mais je te rassure, c’est une bonne jalousie mobilisatrice qui me motive d’autant plus pour continuer.

À ce stade, je n’avais pas encore lu l’ouvrage qui, avant même de se faire dithyramber par la critique, s’était déjà distingué comme ayant la «meilleure première phrase d’un roman». J’en suis particulièrement admirative, de cette première phrase. Elle est parfaite, percutante, imagée, elle contient le livre. Suffisamment énigmatique pour que, dès son point final, on n’ait qu’une envie, celle de lire la suite.

J’aime son style, je voudrais écrire comme lui. À un moment, nous échangions par mail, et son verbe me donnait toujours envie d’écrire bien. Trouver le juste substantif pour exprimer ma pensée à composer avec la meilleure grammaire. En vérité, j’ai confondu jalousie et admiration.

La suite de son roman est à l’envi. Les phrases colorées coulent, décrivent, suggèrent, racontent. Le vocabulaire est original sans être pompeux, les phrases sont vigoureuses, organiques, le récit est vivant.

À l’avant-dernière ligne de la première page, je tombe sur: «un kilomètre de marche à pied».

Je jubile !

En tant que correctrice, j’aurais sauvagement coupé la marche ou les pieds, parce que la marche à pied, c’est comme la topographie des lieux ou un petit nain, c’est pléonasismique. Pléonasismique, c’est un néologisme gonflée et intelligent, il suggère une répétition qui secoue. Un néologisme gonflé, c’est limite redondant. Redondant, c’est l’adjectif qui signifie que c’est un pléonasme, c’est donc un synonyme du néologisme pléonasisimique.

Et le paragraphe précédent est ampoulé, amphigourique, plastronneur et prétentieux pour montrer que j’ai du vocabulaire et de la culture, et je prends un grand plaisir à l’étaler.

Ce qui me fait jubiler, c’est que l’auteur que j’admire n’est pas parfait, ça va me laisser une place à côté de lui sur le piédestal. Ouf ! C’est pile ce qu’il me fallait pour que je me remette à faire couler sur ma page blanche une encre qui séchait en même temps que moi.

Un double merci, l’ami, pour cet excellent roman qui m’a donné du plaisir et qui fertilise mon écriture.

La création, c’est contagieux.



Bande de nains





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