Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

dimanche 19 avril 2015

Si vis pacem, para pacem

LES CONSULTATIONS DE PATYJI

C’est une jeune femme d’une trentaine d’années qui consulte Patyji ce dimanche.

— Je suis déprimée, ô grand Sage et Vénérable Patyji.
— Qu’autorises-tu à influencer ainsi ton humeur, padawan respectée?

La femme met quelques secondes à comprendre la question.

— Mais je n’autorise rien du tout, ce sont les autres qui me dépriment!

Elle fait la liste de tout ce qui la chagrine. Elle commence par ses études prenantes qui l’épuisent, des petits conflits familieux, des soucis de coexistence avec des collègues dans son job alimentaire abrutissant, puis elle embraye sur la marche du monde et elle finit par lâcher le gros morceau:

—…et il va y avoir une troisiième guerre mondiale, c’est inévitable.
— Ah bon? Comment sais-tu cela?
— Mais parce que! Ça recommence comme avant la seconde, le scénario se répète. Le système financier va mal, certains continuent à s’enrichir de façon indécente pendant qu’il y a de plus en plus de pauvres et quand ça va s’effondrer, il y aura la guerre.

Patyji l’écoute attentivement, la finance est un domaine qu’il ignore totalement.

— Quel rapport, douce padawan apeurée, entre le système financier et la guerre?
— Il n’y a qu’une guerre mondiale pour mettre fin à la crise. Ça s’est toujours passé comme ça.
— Non, tu fais erreur. Ça s’est passé une fois comme ça, la dernière fois. La fois d’avant, c’était une guerre géo-politique pour des histoires de frontières; mais ne parlons des raisons idiotes qui génèrent les conflits armés, j’entends que par-dessus tout, tu as peur de la guerre.
— Oui, dit-elle, dans un souffle. En tout cas, s’il y a la guerre, je pars. Je vais dans un autre pays, dit-elle irrationnellement, car si la guerre est mondiale, c'est de planète qu'il faut changer.
— C’est un plan qui devrait te rassurer.

Elle réfléchit un instant.

— Oui… et non. Je voudrais que les gens que j’aime échappent à la guerre, je voudrais que personne ne fasse la guerre.
— C’est une intention louable. Alors si tu veux la paix, cultive la paix et cesse de craindre la guerre.
— Mais elle va avoir lieu!
— Quand?
— Je ne sais pas, bientôt!

Patyji plante son doux regard noir dans les yeux transparents de la jeune fille. Il la submerge d’amour et dit d’une voix très douce:

— Tu choisis de croire à la guerre, tu génères ainsi une peur que tu nourris et que tu aimes. Cherche pourquoi.
— Ce n’est pas une croyance, ce sont des faits! L’humain restera toujours l’humain égoïste qui veut écraser les autres. C’est impossible que ça change, ça a toujours été comme ça!
— Faux. Tu as à peine trente ans d’une mémoire terrestre fragmentée, l’humain est bien plus riche que ta vision de lui. Mais je le répète: cherche pourquoi tu as peur de la guerre.
— Parce que je suis réaliste! Elle va arriver!

Le velour noir des yeux de Patyji est chargé de compassion. Elle soutient son regard et lentement, l’énergie d’amour fait son chemin en elle. Elle se calme et ouvre son esprit. 

— J’ai peur de la guerre en moi.

Patyji ne dit toujours rien tandis que la jeune femme plonge un regard sincère en elle.

— J’ai peur de mon égoïsme, admet-elle, j’ai peur de devenir sauvage si mes besoins ne sont pas satisfaits. J’ai peur de la pauvreté et du manque…

S’ensuit un long échange où elle révèle des blessures passées, des peurs encore actives, des trahisons, un sentiment d’abandon. Au fur et à mesure qu’elle parle, elle se rend compte que ses problèmes ne sont ni pires ni moindres que ceux des autres. Elle elle lâche la pression, elle pleure un peu puis se calme et respire amplement. 

— As-tu toujours peur de la guerre, demande Patyji?

Elle réfléchit aux choix de ses mots avant de répondre:

— La guerre se nourrit de la peur, n’est-ce pas? Si je me connecte à mon courage et que je n’ai plus peur, alors la guerre ne peut exister. Et si tout le monde fait pareil…
— Bravo! Tu as compris à quoi sert la peur: à contacter son courage. J’ai une autre question: d’où émane cette peur?

Elle avait le nez baissé sur son mouchoir qu’elle triturait et soudain, elle lève la tête et plante son regard dans les yeux de Patyji:

— Mais elle n’est pas à moi! dit-elle impulsivement.

Puis elle veut se reprendre, mais Patyji tape des mains:

— Encore bravo! Tu comprends plein de choses aujourd’hui!

Elle analyse ce qu'elle vient de dire.

— Mais alors, à qui est cette peur? demande-t-elle.
— Elle est dans l’atmosphère. Les égrégores du moment sont chargés d’une hypnose collective qui influence les gens et qui leur fait parfois penser ou faire des choses qui ne leur ressemblent pas. Le monde est en mutation —on en discutera une autre fois—, c’est important d’en avoir conscience et de laisser passer les idées qu’on ne veut pas. Celui qui a dit un jour: «si tu veux la paix, prépare la guerre» était un grand béligérant. Il n’y a rien de plus faux. Si tu veux la paix, prépare la paix. Fais-la en toi pour commencer, puis autour de toi. Maintiens-là en toi et laisse-la ensuite contaminer le monde. C’est un plan difficile, car maintenir la paix en soi exige une vigilance de tous les instants. Cela dit, tu sais désormais ce que tu as à faire.

La jeune femme a perdu dix ans sur son visage et grandi de trois centimères. Elle semble patiner sur le sol quand elle s’en va, légère et rassurée.

Patyji glisse les deux balles dans tirelire.














dimanche 5 avril 2015

Joyeuses Pâques

LES CONSULTATIONS DE PATYJI

Ce matin, Patyji est ronchon. C’est la première fois que je vois son visage sans sourire et je suis choquée. Même quand il dort, il sourit.

— Que se passe-t-il Patyji?
— Quelqu’un m’a souhaité «Joyeuses Pâques».
— C’est cela qui te met de mauvaise humeur?
— Oui, la bêtise me met toujours de mauvaise humeur.
— Quelle bêtise?
— La bêtise des gens intelligents. 
— Euh… Tu peux développer?

Il reste silencieux trois secondes, puis il prend une grande respiration et me sourit. Je retrouve le sage lumineux que je connais.

— Merci de m’avoir posé la question, je me perdais dans un espace sombre. Tout cela n’a pas d’importance.

Il a piqué ma curiosité, j’insiste:

— Qu’est-ce qui n’a pas d’importance, Patijy? Pourquoi le fait de te souhaiter de joyeuses Pâques t’a-t-il chagriné? 
— C’est quoi, Pâques?
— La célébration de la passion du Christ, mort en croix pour transcender nos péchés, récité-je scolairement les réminiscences des quelques heures de cathéchisme de mon enfance.
— «Joyeuse» la torture d’une crucifixion?

Je reste bouche bée, la tartine figée dans la main. Patijy boit sereinement une gorgée de chaï. Il reprend, avec son sourire malicieux.

— Mais est-ce tout? Le Christ mort en croix et puis plus rien?
— Nnnon… Trois jours plus tard, il monte au ciel? dis-je avec hésitation, ma mémoire étant floue quant à la suite de l’histoire.
— Il ascensionne dans son corps de lumière. Elle est là, la joie de Pâques. Dans cette transformation. Ce message-là est mal entendu et c’est ce qui m’a chagriné un instant, mais ça n’a pas d’importance. Les gens entendent ce qu’ils sont prêts à entendre, voient ce qu’ils sont prêts à voir. Chacun son chemin, c’est juste que je suis parfois impatient avec les sourds et les aveugles.

Je le regarde de travers et il éclate de rire.

— Hé, je suis un humain, moi aussi! J’ai mes défauts et mes faiblesses. Et puis d’abord, sers-moi un café. J’aime le café, figures-toi.
— Merci, Patyji, lui dis-je en lui posant une tasse de café odorant sur la table, moi aussi, j’avais en tête la crucfixion en pensant à Pâques; je vais désormais changer l’image et célébrer le corps de lumière. Bien plus joyeux! Combien de sucres, dans ton café?