Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

dimanche 17 août 2014

Métamorphose

Cher Ami,

Tu es entré dans ma vie il y a déjà fort longtemps, et je ne me rappelle plus exactement comment, mais ce qui est sûr, c’est que je ne t’y ai pas vraiment invité. Je devais être encore petite fille et c’est un parent ou un éducateur qui m’a suggéré ton existence. Nous avons coexisté d’abord plus ou moins de bon gré et, au fil des années, tu as pris de plus en plus de place. Une place désagréable, tu as commencé à prendre des décisions pour moi avec lesquelles je n’étais pas toujours heureuse, mais j’ai cru que tu étais le gardien de la morale et que j’avais besoin de toi.

Tous les jours, tu grignotais un peu plus de place et je me suis habituée à toi. J’ai fait selon ta volonté sans me rendre compte que petit à petit, tu prenais le contrôle complet de ma vie. Tu t’es mis à dicter ma conduite, me mettant dans des situations d’abord désagréables, puis stressantes, puis franchement inconfortables et enfin intolérables. Endormie par ta prise de pouvoir lente et progressive, il m’a fallu des décennies pour réaliser que tu avais fini par prendre toute la place. C’est inacceptable. Ce n’est pas toi le boss.

Comprenons-nous bien, si tu as pu officier chez moi pendant tout ce temps, c’est que tu me servais, il n’y a aucun doute là-dessus. J’en profite pour te remercier chaleureusement de tes bons services, parce que tu m’as grandement aidée à rester dans le rang, à ne pas dérailler et à éviter des chemins malsains à l’occasion. 

Avant toi, j’étais un être spontané, j’étais de bonne humeur tous les jours. J’étais joyeuse, je chantais, j’étais curieuse de tout, j’apprenais de chaque situation de ma vie, et surtout, surtout, j’étais créative. Si j’observe ma vie aujourd’hui, je suis polie, d’une gentillesse souvent feinte pour ne pas créer de problèmes aux autres, je suis obéissante, je suis des règles qui ne sont pas les miennes. Je subis beaucoup de choses parce qu’à cause de toi, j’ai développé un syndrome de culpabilité à peu près permanent. Quand parfois il y a trop de tension en moi, je me transforme en harpie, je pique une bonne colère et ensuite, je dois ramasser des pots que je ne voulais pas casser. Ou encore, je tombe malade, histoire d’échapper à ma vie pendant quelques jours.

À cause de toi, je suis conforme à une vague idée collective, à une notion hypnotique d’un modèle civilisé. Au fond, je suis un robot sans âme, et je me flétris. Je ne veux pas continuer à mourir ainsi, aujourd’hui est le jour où je décide que ça change. Je supprime le poste de tyran intérieur et il faut impérativement que tu t’en ailles, parce que désormais, tu encombres. Encore une fois, merci pour tes bons et loyaux services, mais non merci, je n’en ai plus besoin.

J’ai cependant une proposition pour toi. Si le poste de tyran est supprimé avec effet immédiat, j’ai en revanche une ouverture pour un job de gardien de la flamme. Celle de l’enthousiasme, de l’envie de vivre, de la créativité appliquée, de la joie et de l’amour. Elle s’éteignait, cette flamme, il est temps de la raviver. Attention, c’est un job exigeant qui requiert une présence de vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J’ai confiance en toi, tu viens de montrer de quoi tu es capable dans le harcèlement permanent. 

Si le poste t’intéresse, tu commences immédiatement.




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