Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

mardi 12 février 2013

Le pouvoir des hommes en bleu


Contrôle technique de ma voiture, ce jour. En fait, un seconde contrôle, car Titine a raté son premier examen, il y a un mois. J'ai donc consulté le docteur-voiture, elle a été dûment opérée, et je viens montrer les cicactrices.

Je m'arrête dans la file prévue. À quinze mètres de l'entrée du hangar, j'attends qu'un préposé me fasse signe. Ils sont là, les hommes en bleu (de travail), très lents, très concentrés le nez dans les écrans, très occupés à poser un papier sur le bureau, puis l'amener dans le bureau d'à côté, l'ambiance est douce et feutrée, soporifique, comme dans toutes les administrations. Moi, j'attends en respirant amplement, car je sais, depuis le temps, que je dois juguler mon bon sens dans ces mondes-là. Je me récite des mantras, je me visualise dans mon lieu privilégié, près d'une cascade, avec des fleurs partout. Tout et n'importe quoi pour rester zen.

Soudain, une dame qui fait la queue derrière moi tape à ma vitre. Une très jolie jeune femme avec la coupe carrée et les mèches blondes typiques de toutes les femmes coiffées par Dessange, vêtue de l'uniforme traditionnel: habits de marques, chaussures élégantes qui révèlent sa classe sociale. Un accent slave de surcroît et propriétaire d'une Mercedes. Elle me dit d'avancer et d'entrer dans le hangar. J'hésite: la dernière fois, il me semblait avoir compris le règlement, mais j'ai un doute, tout d'un coup. Et quand elle me dit d'un air assuré:
—Oui, oui, il faut avancer, parce que la queue s'allonge, voilà qu'un réflexe de petite fille bien obéissante se déclenche.
Bon. J'avance. Sauf que je n'arrive pas à entrer complètement, alors je bouche le passage. Bah, après tout, «yzonka» s'occuper de moi.

Mais les hommes en bleu, n'est-ce pas, ont le pouvoir. C'est à leur chemise bleue qu'on le sait. Ce sont eux qui décident quoi et quand dans les travées, c'est leur royaume. Ils continuent leur lente chorégraphie mais certains me regardent de travers. J'ai dû intruser, je sais pas, j'ai dû pénétrer un cercle sacré invisible sans le savoir, je ne fais pas partie du ballet à ce moment-là.

Un grand mou m'adresse soudain la parole.
—On s'occupe de vous?
Quand je réponds «non», je ne sais pas ce qui lui prend, il devient grognon et me fait remarquer que j'aurais dû attendre qu'on me fasse signe. Oui, c'est ça! Il me semblait bien, la dernière fois, que j'avais compris cela: il faut attendre à son volant, là-bas, sur la ligne blanche peinte sur le sol, guetter les hommes en bleu qui bougent à quinze mètres, et quand l'un s'agite et fait des grands gestes avec les bras comme sur le quai de la gare, c'est le signe qu'il faut amener la voiture dans le hangar.

Alors je me justifie, je lui dis oui, peut-être, mais la queue s'allongeait et les gens s'impatientaient, et la dame m'a dit d'avancer parce que la queue s'allongeait, alors j'ai avancé, et de toute façon, n'est-ce pas, ce n'est pas très clair, leur organisation, alors je fais quoi, maintenant, je recule?

Non, l'homme en bleu va s'occuper de ma voiture, mais ça ne semblait pas faire partie de ses plans immédiats et je le sens contrarié. Il allait peut-être traverser encore une ou deux fois les travées avant de faire des grands gestes avec les bras devant la porte. Je l'ai peut-être privé du plaisir de faire des grands gestes avec les bras, comment savoir? Bref. C'est bon, il s'occupe de Titine et m'envoie attendre dans la salle d'attente. Il vérifie que les réparations qui devaient être faites sont bien faites, je l'observe à travers les vitres, il descend voir dessous la voiture, et puis il se met au volant et fait le tour du bâtiment pour la ramener sur le parking devant. Il reluque mes phares. J'ai un mauvais sentiment.

Il revient et me dit :
—Bon, c'est bon, mais tout de même, votre phare gauche, il est bien trop bas.
Aussi bas que son air pour me le dire. Il faut le faire régler.
—Il vous l'a pas réglé?
Je réponds pas. Sa question m'énerve, tout comme son attitude. Qu'est-ce que j'en sais, moi, qu'est-ce que j'y connais en voiture et j'étais pas à côté de mon garagiste pour vérifier ce qu'il faisait! Et puis quoi: le phare s'est effondré entre le premier contrôle technique et aujourd'hui? Ça se peut, ça? Ou alors les hommes en bleu de l'autre fois n'ont pas remarqué ce strasbisme? Mais je suppute que, bien plus probablement, le grinchieur du jour n'a trouvé que ça pour affirmer son pouvoir que j'ai usurpé en franchissant la porte sans y être invitée avec les grands gestes avec les bras. Je ne vois que ça.

—Alors quoi, je dois revenir encore une fois ?
—Ben oui !
—Et payer encore une fois ?
Ce sont ses yeux et un haussement de l'épaule droite qui répondent encore «ben oui». Et comme je reste bouche bée, (surtout ne pas reprendre mon souffle, ma colère en profiterait pour s'exhaler), il me plante là et me dit :
—Allez, Madame, bonne journée".
Je plante dans son dos bleu un regard assassin et je réponds agressivement et assez vulgairement:
—Ouais! Merci, ouais !!!!!

Tout ça, parce que j'ai écouté la dame blonde de la classe sociale au-dessus de la mienne! M'en fous, la prochaine fois, je l'envoie baigner, la classe sociale en Mercedes et je suis le règlement. Au service des automobiles, ce n'est pas elle qui commande, ce sont les hommes en bleu.



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