Mon fil rouge, le truc qui me fait rester sur cette planète un peu plus longtemps, c'est nous, les humains. Oui, vous, moi, et tous ces êtres divins qui jouent à l'expérience humaine sur Terre. C'est moi d'abord, parce que c'est ma barque et que je suis le capitaine — même si je n'ai pas le permis bateau —, et puis c'est aussi vous qui naviguez sur le même océan. Nous sommes venus explorer tous les registres du possible, comme des touristes interstellaires en quête de sensations fortes.
Musset a dit : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fanges ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. Nous les avons tous à l'œuvre, ces affreux, sales et méchants. J'ai la conscience d'en avoir été au fil de mes incarnations. J'ai joué toutes les gammes, de la victime la plus vulnérable au bourreau le plus vicieux. J'ai fini par comprendre que les jeux de pouvoir ne mènent à rien, sauf peut-être à une migraine.
Alors, où est l'issue? me suis-je demandé entre deux crises de boutons de puberté. C'est là que j'ai pris conscience de cette étincelle de feu dans le cœur qui ne s'éteint jamais. C'est un don de naissance, livré avec la biologie humaine, comme le mode d'emploi d'un meuble IKEA. Focaliser sur cette lumière est mon fil rouge. Chercher la fréquence du cœur, envers et contre tout, même quand le voisin joue de la trompette à 3h du matin.
Je me suis embarquée dans des projets novateurs qui semblaient lumineux, mais qui ont succombé au PDFH (Putain de Facteur Humain). La première fois, j'ai ressenti de la trahison. «Je me suis fait avoir», ai-je pensé, jetant le bébé avec l'eau du bain. Mais la lumière continuait à briller, me suggérant de mieux discerner. L'idée est belle, son application a foiré mais l'idée reste belle. Alors, quand une nouvelle entreprise prometteuse est apparue, j'ai participé, parce que je crois que le mot «ensemble» est une des clefs de la porte du jardin d'Eden.
À l'été 2024, la planète ne ressemble pas à un paradis où tout le monde s'aime. De loin pas. Cependant, c'est là que nous allons grâce un éveil collectif et cette lumière qui augmente fout un bazar incroyable. Ça remue toutes les vases, ça va puer encore un moment, mais quand on focalise sur la lumière, on commence à la voir partout. C'est une grande lessive bruyante. Il faut filtrer le bruit pour entendre la belle musique de ce qui s'en vient.
Les projets novateurs, les idées révolutionnaires naissent discrètement et le changement effraie mais rien ne peut arrêter une idée dont le temps est venu. Nous vivons l'agonie de l'ancien. Le nouveau s'en vient inéluctablement et il déstabilise jusqu'aux racines. Dans le chaos ambient, tout nouveau projet passe inaperçu. Jésus reviendrait sur Terre maintenant, personne ne le reconnaîtrait, personne n'y croirait.
C'est ainsi que quand ce projet nouveau m'a été présenté, mon cerveau a dit : «Ah non, pas encore un de ces trucs foireux! Non! Na-ha! Pas question!». Trop tard, j'avais déjà perçu la lumière. De mauvais gré, je suis allée voir de plus près, histoire de ne pas mourir idiote. J'étais pleine d'a priori, sur les pattes arrières, bref, de mauvaise volonté. La lumière fut irrésistible. Pas éclatante, pas flashy, une douce veilleuse qui a tapé sur le plus essentiel en moi.
J'ai lâché mes dernières résistances, je me suis dit après tout pourquoi pas, c'est fun, et cette foi en l'humain dont je ne peux me débarrasser me convainc encore et encore d'expérimenter tout ce qui pourrait nous mener vers cette lumière sans ombre qui illumine tout. Je le désire, ce paradis sur Terre, je sais que je ne suis pas seule à le désirer. Je ne lâche pas ce feu qui me maintient en Vie.
Jusqu'ici, l'aventure est prometteuse. C'est une tribu d'une dizaine de milliers de gens qui se rassemblent tous les jours un peu plus, des humains lumineux en quête de bien vivre dans tous les domaines, de l'affectif au matériel en passant par le spirituel. Le jardin d'Eden sans ces histoires de serpent et de pomme. Ils viennent de tous les coins de la planète, attirés par ce même désir d'en finir avec les guerres et les misères. Je les aime, parce qu'ils sont vrais. Ensemble, nous sommes toujours affreux, sales et méchants, mais notre union autour d'un projet commun nous sublime.
C'est ce que j'attendais depuis toujours et le fait que ça se concrétise enfin me procure un sentiment étrange. C'est à la fois renversant de bonheur et bizarrement naturel, donc presque banal.