Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

samedi 22 janvier 2011

Le monde sous le seuil — II

CHAPITRE 2 : LES SERVICES SOCIAUX, NON SERVIABLES ET INDIFFÉRENTS

Un jour de grand découragement où elle pense qu'elle va finir sous un pont, elle sollicite les Services Sociaux. Elle y va exprès un jour de moral bas et décide que s'il le faut, elle se laissera aller à verser des larmes.

Mais d'abord, elle la joue noble. Elle a réuni papiers, bilans, grand journal, CV, pedigree, bonne volonté, elle montre patte immaculée.

Non.
C'est non.
Il émane d'une dame très comme il faut, qui connaît son travail, calme, mesurée. Elle dit non, rien de prévu pour vous, vous êtes indépendante. Êtes-vous allée au chômage ? Non, bien sûr, vous devez d'abord avoir un emploi. Elle a une voix douce, mais aucune vibration de compassion pour autant. Aucune vibration tout court. Un mur.

Elle insiste, implore. N'avez-vous pas des budgets spéciaux pour cas spéciaux d'aide exceptionnelle ponctuelle juste cette fois pour mes beaux yeux ?
Non.
Alors elle laisse pleurer les beaux yeux, découragée.

Rien.
Personne à l'intérieur. La dame ne peut rien, ne veut pas, n'entre pas en matière. D'ailleurs le temps imparti est écoulé, elle se lève, et la raccompagne poliment, lui souhaitant mécaniquement bonne chance. Aucune vie ne se dégage de cette fonctionnaire qui fait très bien ce pour quoi elle est payée : elle fonctionne. Comme un robot.

« Services sociaux, pense-t-elle. Aucun service et rien de social dans cette officine. Il conviendrait de changer l'enseigne pour quelque chose comme : Attention, Trésor Public bien gardé. » Fin de jour gris, moral au plus bas. Quelle issue ? Comment s'en sortir ? Elle ne rentre pas tout de suite chez elle, elle va se promener dans les vignes, au bord du lac. Elle a besoin de beauté et de paix. Elle a peur soudain. Il lui semble qu'elle pourrait, d'une seconde à l'autre, cesser d'espérer. Renoncer. Se laisser aller à la clochardise ou basculer d'un pont. Ah oui, ne plus lutter, laisser aller le mouvement. Pourquoi ne pas se laisser couper le téléphone, puis expulser de son logement faute de payer ? Une forme de prise de pouvoir en espérant donner la honte aux nantis. Mais les nantis s'en fichent, les nantis ignorent les pauvres. Comment en est-elle arrivée là ?

Elle laisse son esprit vagabonder, à un moment, elle constate : « je n'ai plus les moyens de survivre », et jaillit à la suite ce corollaire morbide : « je n'ai plus qu'à mourir. »

Oula, je vais pas fort moi ! 
Elle respire fort l'air frais de cet hiver qui traine en longueur, elle presse le pas, histoire de faire circuler le sang dans ses veines et de chasser ces miasmes mentaux. Elle rentre se mettre au travail : développer son entreprise est encore sa meilleure chance de s'en sortir en l'état actuel des choses.

Allez. Le printemps va bien finir par pointer le bout de son nez.

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