Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

vendredi 5 décembre 2014

Jour 13

LE RÊVE

Arnaud et Isabella ont pris place à l’arrière tandis que je suis devant avec Fernando. Père et fille sont adorables. Espagnols, ils vivent la plupart du temps à Tarragone, dans une maison de ville qui fait, elle aussi, partie du réseau. Tailleur de pierre, Fernando a travaillé quelques temps sur la cathédrale de la Sagrada Familia, et je pompe tous les détails possible sur cette expérience qu’il a vécue. Il m’apprend plein de choses sur la pierre, la sculpture et sur cette immense entreprise qu’est la construction de cet édifice qui a débuté du vivant de l’architecte Gaudi et qui touchera à sa fin dans une décennie ou deux. C’est passionnant. Aujourd'hui, il offre ses services où ils sont requis.

Il m’apprend ensuite que Tarragone sera sous peu la première «ville réseau». Très tôt enthousiasmés par cette idée qu’une habitation appartiennent à ses habitants, les Tarragonnais furent nombreux à céder leurs propriétés au réseau. Et puis ils sont allés plus loin, ils ont cédé l’administration de la ville à ses habitants. C’est ainsi que, quartier par quartier, au fil du temps, ils se sont organisés pour gérer leur ville. Il reste encore quelques bastions sous la tutelle administrative centrale de Madrid et les négociations pour briser ces chaînes vont bon trains, mais la mairie de la ville est gérée depuis un an déjà par les citoyens, à tour de rôle. Ils ont simplement repris le modèle démocratique athénien et les édiles sont tirés au sort chaque année. Ça marche super bien. La délinquance est éradiquée, la ville est propre et la santé est florissante.  

Certains postes sont restés aux mains de passionnés qui prenent plaisir à travailler, comme par exemple l’urbanisme, mené par un architecte éclairé qui fait l’unanimité. Comme tout va bien, Fernando est optimiste: les gens de Madrid qui s’accrochent encore à ce qui ressemble à du pouvoir ne vont plus pouvoir le faire encore longtemps, la maturité des citoyens prend le dessus. 
— Ces gens-là devront changer ou mourir, dit-il avec conviction.
Il a raison, ils sont de moins en moins nombreux.
— C’est drôle comme c’est allé, vite, tu ne trouves pas? lui dis-je. Rappelle-toi, il y a moins de dix ans, nous en étions encore à nous débattre avec une pauvreté qui se répandait. Et puis c’est comme s’il y avait eu un accord tacite global. Les gens en ont eu marre et les choses ont commencé à changer.

Derrière, Arnaud et Isabella discutent avec joie et ils éclatent de rire par moments. J’entends quelques bribes de conversation quand la nôtre avec Fernando fait silence. Cette gamine est délicieuse. Elle a des yeux fascinants, ils sont aigue-marine et son regard est troublant. Encore un de ces êtres purs dont le regard vous pénètre l’âme. Elle voit tout, sans jugement. J’aime ces gens avec qui il est impossible de ne pas être vrai. La vie devient simplissime à leur contact, il suffit d’être qui on est, inconditionnellement. 

Elle fait de la peinture depuis toute petite, et son père a décidé qu’il était temps qu’elle rencontre Michel-Ange. Ils revienennt donc d’un séjour en Italie sur les traces du grand Maître qu’ils racontent avec ferveur. Le bonheur est contagieux. 

Arrivés à Barcelone avant midi, Fernando propose de nous faire une visite guidée de la Sagrada Familia, et nous passons l'après-midi à explorer le monument, Fernando nous donnant des secrets de fabrication inédits et nous faisant voir des endroits et des détails que nous aurions manqués sans lui. Je suis littéralement aux anges. 

Le soir, c’est sans discussion, nous dormons «chez eux» où nous rencontrons le reste de la famille, sa femme Stella, une norvégienne, leurs deux garçons et trois hôtes de passage. La soirée est joyeuse, le repas, une savoureuse paella, est pantagruélique.

Arnaud voudrait partir tôt demain matin, et nous devons encore trouver un lift. Si les trains sont toujours payants, on a, depuis pas mal de temps déjà, organisé un réseau de co-voiturage efficace en ligne. 

Autre autre évolution récente: les ordinateurs sont devenus des simples tablettes qui se connectent à internet où les données personnelles de chacun se trouvent sur le nuage. Là encore, les mentalités ayant changé, plus personne ne craint le piratage et on a mieux envie de partager ses données quand elles sont respectées. 

Nous pianotons donc tous les deux sur nos terminaux à la recherche d'un véhicule pour demain et c’est Arnaud qui trouve en premier; il lui a fallu quatre minutes. 
— Helmut, un Allemand, nous prend demain matin à la gare et nous emmène à Madrid. J’ai une copine qui nous héberge pour la nuit, ça fait longtemps que j’ai promis d’aller la voir, c’est l’occasion. C’est une fille super, tu verras. Ensuite, j’ai trouvé Michel qui nous prend de Madrid à Sines, il y va pour la cueillette des olives.
— Génial! Au fait, j’ai pas percuté tout de suite, mais décembre, c’est pas un peu tard, pour la récolte des olives?
— Si, d’habitude, c’est octobre ou novembre, mais la saison est tardive, cette année et c’est une très grande oliveraie. Ils arrivent au bout, mais ils ont besoin de gens aussi pour presser les olives; ils le font à l’ancienne avec des grandes presses en bois. C’est surtout ça qui va être sympa.

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