Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

samedi 3 janvier 2015

Jour 40

LE RÊVE 

— Et puis c’est quoi, le passé? me demande Arnaud.
— …
— Suivant comment tu l’intègres, comment tu évolues après une expérience, ton passé change. Prenons un exemple que tout le monde vit un jour ou l’autre: une rupture sentimentale. Il y a le choc émotionnel. Tout le monde y passe. 
— D’accord.
— Sur le moment et les jours qui suivent, on vit les choses selon le chagrin, la peine, la colère ou la rancœur qu’on ressent. L’autre est une salope, une menteuse, on est soi-même victime, bref, la réalité du jour dépend surtout de nos émotions.
— OK.
— Et puis les émotions se calment, donc le présent devient mental. La perspective change, on constate que pour sa part, on n’a peut-être pas été sans reproches. Parfois, on va même trouver qu’on est totalement responsable que l’autre nous ait quitté, c’est une autre étape possible. Dans la réalité du présent, tu ne te considères alors plus comme victime mais comme bourreau. Et la salope est devenue victime à son tour. Le passé a complètement changé.
— Ton regard sur le passé a changé, mais pas la réalité des faits.
— Dans une relation, la réalité des faits est souvent relative. L’un dit une chose, l’autre l’entend déjà différemment. 
— Pas faux… Mais prends l’exemple d’un mari qui tue sa femme. La réalité des faits est légèrement incontournable, dans ce cas.
— C’est vrai. La femme est morte et va le rester, mais reconnais que tout le reste est susceptible de changer. Le mec est condamné à la chaise électrique, il va passer vingt ans dans les couloirs de la mort; le jour où il est exécuté, ce n’est jamais le même homme que celui qui a commis l’acte des années auparavant. Et puis la morte non plus n’est plus la même. Que sait-on de sa vie après sa mort? Si ça se trouve, elle est réincarnée depuis belle lurette.
— Oui, c’est la fille du mec qui fait l’injection létale et qui ignore complètement que son père exécute son ex-mari ce matin.
— Ah! ah! ah!
— Bon alors, si je comprends bien, le passé est un leurre, un souvenir malléable auquel on s’accroche… euh, pourquoi au fait? dis-je.
— Pour se définir et se justifier. Ce qui est une erreur, on est ce qu'on est à la minute présente. Laisser le passé nous définir est bien pratique. «Je suis le résultat de mon passé, je n’y peux rien». 
— Ouh, dangereux, de se poser en victime. «J’ai eu une enfance difficile, c’est normal si je ne m’en sors pas».
— Paresseux, en tous les cas. Confortable. J’ai été abusé, je suis un abuseur, c’est une fatalité. J’ai une excuse…
— Oui, alors qu’en fait, c’est une explication, mais pas une excuse. Le premier abuseur de l’humanité, il a quoi comme bonne raison d’avoir abusé? 
— Exact. En même temps, c’est nécessaire de se souvenir de son passé pour pouvoir changer, sinon, on refait toujours la même chose. Le secret, c’est la transformation. Tu vis une expérience cuisante… Reprenons l’exemple de la rupture entre deux personnes qu'on va dire plutôt saines d’esprit. Autant celui qui quitte que celui qui est quitté souffre, donc n’importe comment, l’expérience est douloureuse. Ton mec te quitte, tu dérouilles. Tu tires les leçons et tu te promets que la prochaine fois, ce ne sera pas la même chose. Sauf que c’est pareil tant que tu n’as pas transformé. Le suivant arrive et au premier signe de «la même chose», te voilà sur la défensive. L’autre devient une menace de ta propre répétition. Tu te méfies de lui, alors que le réel ennemi, c’est toi. Dans ces conditions, seconde rupture inévitable. Plus cuisante que la première, parce que globalement, tu as vécu la même histoire. Tu peux choisir de répéter ainsi jusqu’à te consumer et mourir idiote, ou bien tu choisis de comprendre. Ça prendra le temps que ça prendra, mais tu décides que tu ne veux plus vivre comme ça. À partir de là, tu rencontres inévitablement les gens et les événements qu’il te faut pour comprendre. Enfin, un jour, tu vois la lumière. Si l’autre est un menteur ou un tricheur, c’est à cause de ton propre manque de sincérité. Il faut beaucoup d’humilité pour le voir, parce que c’est souvent bien caché sous une bonne couche de bonne volonté. Tu es une bonne fille, toi, tu ne fais rien de mal, tu exiges seulement qu’il ferme le couvercle des toilettes ou qu’il mette sa brosse à dents à gauche. Juste une toute petite tyrannie de rien du tout. Ah ben oui, mais une tyrannie, alors ne t’étonne pas d’être tyrannisée en retour.

Je rigole. Il a tellement raison. J’aime bien qu’il ait compris tout cela, cet homme. Il est lancé, je le laisse continuer sans l’interrompre.

— Le jour où tu vois cette lumière-là, c’est que c’est toi qui mènes ton ego, et plus le contraire. C’est quand on sait s’asseoir sur son orgueil au besoin qu’on est un vrai humain. Ce jour-là, tu comprends que tu es responsable de ce qui se passe dans ta vie. Bonne et mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que tu n’as plus l’excuse de ne pas savoir. Tu n’es plus une enfant, plus une ado écervelée, tu es enfin adulte et tu assumes tes responsabilités. La bonne, c’est que tu prends tes responsabilités. C’est toi qui as les rênes de ta vie et tu as les pleins pouvoirs sur elle. Ah, l’odeur du vent de la liberté, le jour où tu percutes ça! 
— La monumentale trouille, oui! Moi, le jour où j’ai compris cela, j’ai eu très peur. Je me suis sentie légère comme une plume, c’est vrai, j’ai adoré savoir que j’étais libre de vivre tout ce que je voulais, mais j’en ai crevé de trouille. D’abord, comme tu dis, ce drôle de sentiment, cette certitude de ne plus jamais pouvoir dire décemment «je ne savais pas». Perdre cette innocence. Plus d’excuses, désormais, quand un truc m’arrive, c’est de ma faute. Et puis après, la peur de faire faux, la peur d’attirer à nouveau des ennuis.
— C’est vrai, il y a un moment complètement flippant. Mais avoue qu’ensuite, c’est allé mieux dans ta vie, non? Tu te rappelles cette vibration, cette émotion à ce moment-là? Le jour où tu as décidé que ça allait se passer autrement? 
— Oui, c’était une sensation nouvelle. Faite de sentiments et d’émotions connus mais la vibration en soi était nouvelle.
— C’est celle de la transformation. L’alchimie, le grand œuvre. Le plomb qui se met à vibrer à la fréquence de l’or. Notre propre ombre qui devient lumière. Une fois que tu l’as ressentie, c’est imprimé dans tes cellules. 
— Oui, et ensuite, tu sais que tu transformes vraiment seulement quand tu ressens à nouveau cette vibration. 
— Et tu peux libérer le passé. Le plomb du passé n’existe plus tu emportes avec toi l’or du présent. Le passé change tout le temps, tout comme le futur. Seul l’instant présent existe. 











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