Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

vendredi 9 janvier 2015

Jour 46

LE RÊVE


Nous sommes toujours à Malaga dans cette chaleureuse hacienda/atelier de poterie géré Claudia et Paola. Nos productions céramiques nous ont ravis, les résultats ont été surprenants — ils le sont toujours. Des gens sont partis, d’autres sont arrivés.

Depuis deux jours, il y a une Lydia qui focalise l’énergie. Je l’avoue, elle m’a été d’emblée antipathique. Le genre de personne qui a encore besoin de prendre le pouvoir. Probablement qu’elle vit encore des peurs et qu’elle se laisse mener pas un ego blessé. Je ne cherche pas forcément à le savoir, après tout, c’est son problème.

Sauf qu’elle commence à troubler la bonne harmonie. Elle exprime ses besoins avec aplomb et impose qu’on les satisfasse. Par exemple, elle a toujours besoin d’air frais, il faut donc qu’une fenêtre soit toujours ouverte, peu importent la température, les courants d’air et les autres personnes dans la pièce. Elle est végétarienne et ne supporte pas l’odeur de la viande. Pas question donc que quiconque en cuisine quand elle est là.

Les gens l’ont accueillie et accepté comme elle est. Chacun lui a fait de la place, c’est quelqu'un qui en a besoin de beaucoup et nous nous sommes tous un peu poussés pour qu’elle sente à l’aise. Malheureusement, elle est un puits sans fond; nous commençons à percevoir qu’elle ne sera jamais satisfaite. D’un commun accord tacite, la réaction commence à se faire sentir. L’autre soir, un courant d’air frais refroidissait réellement la cuisine, et Alain, un Parisien, a fermé la fenêtre. Devant sa protestation, il lui a dit d’un ton ferme:

— Lydia, tu n’es pas seule dans cette pièce et il fait froid. Si tu as trop chaud, tu peux toujours aller faire un tour dehors.

On a senti la tension monter, et Lydia s’est tue. Puis Alain est sorti, et elle a rouvert la fenêtre. José s’est alors levé et, à son tour il a refermé et a dit, toujours très gentiment:

— Lydia, tu n’es pas seule dans cette pièce et il fait froid. Si tu as trop chaud, tu peux toujours aller faire un tour dehors.
— Tu fais cela uniquement pour m’embêter, tu n’as pas froid du tout, a rétorqué Lydia, en colère.
José a alors rétorqué très calmement:
— Lydia, je pense que c’est toi qui fais cela pour embêter. Depuis deux jours que tu es là, l’ambiance a changé. Tu imposes tes besoins sans te soucier vraiment de ceux des autres. Tu prends toutes les libertés et tu empiètes sur celle des autres. Il est temps maintenant de considérer les gens qui sont là et de mieux mesurer les limites des uns et des autres.

Lydia a alors littéralement explosé dans une crise d’hystérie. Elle a insulté à peu près tout le monde présent, elle a jugé, critiqué, reproché mille choses aux uns et aux autres avec méchanceté et hargne. Dans un ensemble remarquable, chacun est resté calme. Nous avons d’abord laissé passer l’orage, et puis chacun a répondu dans une forme de communication sans violence digne des meilleurs enseignements.

— Lydia, je pense que tu es très injuste. Depuis deux jours, nous avons tous cédé à tes caprices et t’avons accordé du temps et de l’espace pour t’adapter à un nouveau groupe de personnes. Deux jours, c’est un et demi de plus que ce dont la plupart des gens ont besoin pour cela. Nous avons été tolérants et compréhensifs, maintenant c’est à ton tour.

Elle a alors redoublé de lamentations. Elle s’est posée en victime, reprochant à plusieurs d’entre nous de ne pas la comprendre ni l’englober. Et puis soudain, au détour d’un mot, nous n’avons pas exactement su lequel, elle a fondu en larmes. Et là, enfin, l’énergie a changé.

Elle s'est alors excusée, et nous l’avons entourée. Sylvain, dans un élan sincère, l’a prise dans les bras. Ses larmes nous ont fait du bien à nous aussi. Après un joli temps d’accueil pour ce trop-plein d’émotion, Sylvie lui a tendu un mouchoir et Paola un verre d’eau. Lydia s’est abondamment mouchée, et puis, lentement, elle a vidé son sac.

Elle vient de vivre une expérience douloureuse, elle a eu de la peine à s’en remettre. Elle reconnaît qu’elle est mal dans sa peau. Elle se livre sans retenue et tout le monde accueille ses confidences avec beaucoup de cœur. Les gestes tendres se multiplient, nous sommes tous pleins de compassion et de tendresse. Chacun y va de son aide, selon ses possibilités. Et puis, tranquillement, il ne reste plus qu’une ou deux personnes avec qui elle peut aller en profondeur et qui l’aident à sortir de son marasme. S’ensuit une séance de thérapie efficace de laquelle je finis par m’écarter, Lydia disposant d'une aide suffisante.

Les jours suivants, elle se révèle finalement une personne charmante, tout à fait fréquentable, d’autant plus que, penaude de son comportement de départ, elle fait de jolis efforts pour faire oublier son manque de considération. Pour ma part, je ne bascule pas dans l’hypocrisie. C’est une personne avec qui j’ai peu d’affinités et le fait qu’elle ait lâché son agressivité ne la rend pas plus attractive à mes yeux. Nous nous parlons avec gentillesse, mais la relation n’ira pas plus loin. 

De son côté, elle trouve finalement un petit groupe de personnes de même affinité avec qui elle peut avoir une jolie relation.











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