Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

jeudi 8 janvier 2015

Jour 45

LE RÊVE

Pour de vrai, j’ai séjourné en Inde pendant deux mois en 2013. Mon expérience indienne a été tout sauf spirituelle, j’en fus la première étonnée, moi qui suis un peu hallucinée de côté-là. J’ai passé du temps avec une amie qui a créé une école associative gratuite, avec ses amis indiens qui vivent la vie de tout le monde. J’ai vécu avec des gens de classe modeste, mais les plus pauvres n’étaient pas loin, parce qu’ils sont partout. 

J’ai vu des choses magnifiques, des temples, des palais, le faste résiduel des maharadjas; j’ai vu des horreurs, des cadavres dans le Gange, des immondices partout, des habitations délabrées, éventrées. Ce sont les odeurs qui m’ont le plus marqué. Les odeurs de nourriture, les arpèges du parfum du curry, mélangés aux matières organiques en décomposition qui jonchent le sol. Une pestilence au point de devoir respirer au travers du dupata (écharpe en tissu léger) que portent les femmes, et puis soudain, l’odeur suave des parfums que portent les gens. L’Inde, terre des contrates les plus extrêmes.

Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est le «Namasté». Chez nous, c’est un signe révérencieux, emprunt de haute spiritualité, qui signifie (les traductions varient) «je reconnais la vie en toi» ou «j'honore la vie en toi», enfin quelque chose de très beau. Là-bas, c’est bonjour et au revoir, c'est tout. Avec un geste parfois aussi mou et peu convaincu que nos poignées de main données uniquement par bienséance. En même temps, j’ai remarqué que les gens ne se touchent pas entre eux, même pas à l’occasion de l’une de ces poignées de main ou d’une bise. J’ai trouvé alors que le namasté-mains-jointes-sur-sa-poitrine avait aussi quelque chose de fermé sur soi et qu’il imposait une distance. 

Depuis lors, namasté, pour moi, c’est juste bonjour et au revoir, et je n’arrive plus à y mettre cette signification spirituelle. À chaque fois que je l’entends, j’ai envie de rire. Je m’imagine un Indien venir vers moi, me serrer la main avec déférence, plonger son regard dans le mien et me dire d’un ton appuyé «BON JOUR». Je le trouverais ridicule, et je suis sûre qu’ils seraient surpris de nous voir échanger ainsi des namastés inspirés. Depuis que j’ai entendu un Indien répondre ainsi au téléphone, ça m’a cassé une magie dont l’authenticité m’a soudainement paru douteuse et quelque peu affectée. 

J’opte pour retrouver la vraie signification de nos saluts. Souhaiter sincèrement et avec le cœur le bon jour, se réjouir d’avance de se revoir quand on se le souhaite en se quittant. Et puis surtout, dire et penser «merci»; en joignant ses mains sur son cœur, pourquoi pas, mais surtout en le pensant vraiment.

Pour de vrai toujours, je joins mes mains sur mon cœur et de toute mon âme, je dis «merci» aux gens de Charlie Hebdo, les dessinateurs mais aussi aux anonymes qui ont perdu la vie dans le massacre d'hier.

Et «au revoir».







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