Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

dimanche 11 janvier 2015

Jour 47

LE RÊVE


Parmi les nouveaux arrivants, il y a un groupe de jeunes qui ont entre seize et vingt-deux ans. Des gens adorables qui ont une créativité débordante. Je les vois jouer avec la terre, oser modeler une forme, puis la déformer, la casser, et recommencer. Ils n’ont pas d’a priori, ils laissent jaillir leur inspiration, ils dialoguent spontanément avec la matière. 

L’ambiance est très gaie, ces jeunes sont inspirants. Leur enthousiasme me plaît et je passe pas mal de temps avec eux. Ce midi, nous partons dans une grande conversation sur la créativité. Comme je m’étonne de leur aisance, l’un d’eux me dit:

— J’ai des parents qui ont encouragé cela chez moi. À la maison, jamais de jeux video mais des crayons de couleur, des pinceaux, de la pâte à modeler. On a toujours eu une chambre pour domir et une chambre pour jouer. On peut faire ce qu’on veut, dans cette chambre. Elle est prévue comme un atelier, ils ont mis un lino au sol qu’on peut salir sans problèmes. Quand il est vraiment pourri, on le change. On doit garder l’atelier propre et organisé, pas question d’en fait un dépotoir, mais d’avoir comme ça une chambre pour créer est incroyablement stimulant. 

Comme je semble surprise, l’un d’eux me demande:

— Pourquoi ça t’étonne?
— Parce qu’en ce qui me concerne, je ne viens pas du tout de la même planète. À l’école, nous avions le temps de dessiner dans les petites classes, mais plus nous grandissions, plus ce temps-là diminuait. Très peu de sport et plus aucune créativité dans les classes supérieures. Par la suite, il y avait bien des écoles des Beaux-Arts, mais l’enseignement était extrêmement formaté. À un moment, je voulais faire graphiste. Je n’ai pas été reçue à l’école, mon jet créatif étant jugulé au point que m’exprimer en dessin était devenu laborieux, alors qu’enfant, je passais des heures à dessiner. Aurait-on encouragé cela que mon talent aurait certainement été autre. De plus, on me demandait d’avoir déjà un talent affirmé avant d’entrer à l’académie… Qu’allait-on alors m’y enseigner? Une fois adulte, j’ai eu l’occasion de travailler avec des graphistes sortis de ce genre d’école et ma foi, je trouvais leurs idées bien conformes à la mode du moment, à une certaine idée de «ce qui se fait». On formate les artistes, on formate le public, et tout cela reste bien propre et sage dans un cadre défini. Ou, à l’inverse, il y a eu ceux qui prétendaient sortir du cadre. On assistait alors à une sorte d’art intellectualisé qu’il fallait expliquer pour qu’on le comprenne. Pour ma part, j’estime que l’art se ressent. Les mots sont sont inutiles devant un Van Gogh. 

S’ensuit un débat enflammé sur les artistes contemporains et nous finissont par être d’accord qu’il existe dans le temps un certain vide pendant lequel aucun artiste n’est vraiment sorti du lot. Il y a eu de belles pendant deux ou trois décennies entre la fin du XXe siècle et le début du XXIe, mais rien de vraiment de nature à couper le souffle. Ce n’est que depuis une petite dizaine d’années que des gens remarquables produisent des œuvres qui transportent. 

Je leur explique également comment le marché de l’art était auparavant un domaine juteux. Je raconte comment un peintre connu a seulement signé une toile blanche et l’a vendue à prix d’or. 

— J’appelle ça l’art avec un grand « H », moi, dis-je en rigolant.
— C’est surtout de la vanité, dit Patrick.








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