Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

mercredi 21 janvier 2015

Jour 57

LE RÊVE



— Pour en revenir à la clairvoyance, dis-je, vous savez aussi voir dans le futur?
— Moi oui, dit Viviane. Enfin, dans mon futur. En fait, suivant les choix que je fais, je peux parfaitement voir se dérouler les événements qui s’enchaîneront. Mais si je change d’avis, évidemment, le futur change.
— Tu ne te trompes jamais?
— Non, pourquoi?
— Et tu vois loin dans le futur?
— Oui, je peux voir à l’infini, mais ça ne m’est pas utile. Il y a tellement de paramètres que je peux distinguer les plus probables. Ça m’aide pour les décisions à court terme. À plus long terme, je m’en fous, je verrai bien quand j’y serai.
— Autrement dit, ce n’est pas pour te rassurer sur le futur, que tu utilises cette faculté, mais pour faire tes choix, c’est tout?
— Se rassurer sur le futur? Pourquoi? Quoi qu’il arrive, ça ira bien. Tu veux dire qu’on peut avoir peur du futur?
— Oui… Non, tu as raison, c’est idiot. Mais voilà encore une programmation de l’ancien monde. On avait peur de manquer, peur de se tromper.
— Peur de manquer, je crois que je comprends pourquoi on pouvait avoir cette peur avant le revenu de base inconditionnel et la société actuelle, mais peur de se tromper?
— Oui, si tu dois être parfaite… Quand tu ne l’es pas, tu te trompes, tu fais faux, c’est mauvais.
— Aie-aie-aie, comme ça devait être stressant de vivre.
— Je ne te le fais pas dire. C’est sûr que c’est une tout autre histoire aujourd’hui. Au fait, avez-vous encore des peurs?

Ils se regardent, se concertent mentalement.

— Oui, on a peur de la souffrance physique et pas envie de mourir, alors ça nous rend prudents pour traverser la route, par exemple. Nous faisons attention à nous.
— Moi j’avais plein de peurs quand j’étais petite, reprend Viviane. Peur du noir, des cauchemars, peur d’être seule, mais je crois surtout que j’avais peur de la peur.
— Et comment ça t’a passé?
— Je ne sais pas. En grandissant, je crois. J’avais besoin d’expérimenter la peur, alors je la mettais partout. Et puis un jour, ça a dû cesser de m’amuser. C’est grâce aux autres, ils m’ont inspiré confiance.
— Pas grâce à tes parents? Ta mère?
— Ben, en fait, je ne sais pas qui ils sont. J’ai grandi dans une maison-orphelinat du Réseau près de Lyon. Il y a eu trois adultes significatifs dans mon enfance, deux hommes et une femme, avec qui j’ai eu un lien parental, plus un groupe d’adultes vraiment chouettes qui s’occupaient de nous. On les appelait par leur prénom, et de temps en temps Papa ou Maman, selon l’état émotionnel du moment. Pendant longtemps on n’a pas su qu’on était orphelins, on grandissait là, la vie était belle. Pour tout dire, j’ai su à l’âge de huit ans seulement qu’on naissait d’un homme et d’une femme bien précis qu’on appelait parents. Moi, ma famille, c’était le Réseau dans cette maison. C’est pour ça que je dis «les autres» plutôt que «mes parents».
— Ça t’a fait quoi de savoir que tu étais orpheline?
— Rien. On avait tellement d’amour, on était si bien, qu’est-ce que ça pouvait faire?
— Tu n’as jamais cherché à savoir qui étaient tes parents?
— Non pourquoi?
— Pour savoir ton histoire, tes origines, tes racines.
— Mes racines, c’est la famille que j’ai. Plusieurs parents et une ribambelle de frères et sœurs.
— Et même plus tard, tu n’as pas cherché à savoir?
— Non, on m’a dit tout de suite qu’on ne savait pas qui ni où étaient mes parents. J’avais été déposée bébé dans cette maison par ma mère qui n’a pas voulu raconter son histoire. C’est comme ça que ça marche dans le Réseau. On accueille tous les enfants, on s’en occupe, on ne juge pas.
— Tu ne te poses jamais la question de savoir pourquoi tu as été abandonnée?
— Quand je l’ai su, ça m’a un peu bousculée. J’ai pleuré un peu sur mon triste sort de petite fille abandonnée, mais les adultes qui étaient là m’ont vite fait oublier ça. Après tout, je les avais eux, trois parents et plus au lieu de deux seulement, plein d’amour… j’avais tout ce dont j’avais besoin. Va savoir la vie que j’aurais eue avec une mère qui ne voulait pas de moi? Je ne juge pas, je ne connais pas ses raisons. Ce dont je suis sûre, c’est que je n’ai rien fait de mal et si elle m’a abandonnée, ce n’est pas de ma faute. J’espère juste qu’elle ne regrette pas sa décision, c’est tout.













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