Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

mercredi 4 février 2015

Jour 71

LE RÊVE

Viviane a appelé ses parents. J’ai écouté à l’écart, la conversation a eu l’air de bien se passer. Après un moment de réprobation d’avoir été mis devant le fait accompli du changement de programme, ils ont été ouverts à l’idée qu’elle puisse passer la suite des vacances avec nous. Sa mère au bout du fil a été immédiatement d’accord de me parler. Je lui ai raconté notre rencontre à Malaga, nos soirées à échanger, l’amitié qui s’est installée, et puis ce projet de maison de rencontre.
— C’est un projet à la fois vieux et récent, lui dis-je, il se trouve que nous avions tous une idée de ce genre depuis longtemps, mais l’envie de le réaliser ensemble est récente. Nous n’avons pas encore tout mis au point, et ce serait trop long d’en parler au téléphone. Que diriez-vous qu’on se rencontre? Je vous propose de venir passer le week-end chez nous. Comme ça, vous verrez l’endroit et nous pourrons faire connaissance.

C’est d’accord. Nous sommes mardi, ça nous laisse le temps d’arriver à Cassagnoles. C’est à une vingtaine de minutes avant Alès, là où se trouve la maison d’Arnaud, sur un grand terrain dans un méandre du Gardon.

Pour l’heure, les autres sont réveillés et ont attaqué le petit déjeuner sur la terrasse. Ils nous saluent avec des plaisanteries et nous garnissent chacune une assiette de bonnes choses. Puis nous reprenons la route.

— Dis donc, il n’y a pas un musée Dali à Figueres? demande Arnaud.
— Ah oui, dit Ana, il est magnifique!
— Tout le monde est partant pour le visiter?
— Absolument! 

Viviane n’a pas répondu. Je la guette du coin de l’œil, elle fait une demi-moue.

— Quoi, Viviane?
— Rien, marmonne-t-elle.
— Mais non, dis… ajoute Arnaud.

Elle a une seconde de surprise de trouver de la place pour son opinion.

— Un musée… encore un truc de vieux. C’est qui, Dali?
— Un peintre.
— Pfff…
— Ah non, ne dis pas ça, je crois que tu vas aimer. Ce n’est pas un peintre de «vieux», tu verras. Et puis si ça ne te plaît pas, tu pourras toujours aller te promener.
— OK, dit-elle soudainement légère.

Je prends la mesure de ce qu’elle doit vivre au quotidien. Apparemment, quand elle disait qu’elle «devait toujours obéir», c’était la vérité.

Figueres est une très jolie petite ville et le musée Dali est fascinant. Viviane est séduite et suit la visite jusqu’au bout. Nous en apprenons plus sur cet être atypique qu’était le grand maître du psychédélique, et puis nous allons déguster une tortilla sur la place centrale. Il fait doux, c’est agréable, nous traînons encore un moment. Nous entamons la discussion avec des Espagnols guillerets qui s’intéressent à notre provenance et notre destination. Nous racontons nos vies mutuelles, le courant passe bien. Ils veulent nous inviter à manger chez eux et c’est là que nous nous rendons compte que nous avons encore de la route à faire. Non merci, hélas, ce sera pour une autre fois, sûrement. Nous échangeons nos coordonnées et promettons de nous revoir.

Il serait aisé d’arriver à destination ce soir, mais nous décidons de faire encore une étape à Valras-Plage. Envie de flâner et de respirer l’air marin encore un jour. Il y a là une maison du Réseau dont j’avais entendu parler par des amis communs et que je rêvais de voir depuis longtemps. C’est une maison troglodyte étonnante qui se confond avec les dunes de la plage. Lorsqu’on arrive de la route, on ne voit que les dunes verdoyantes, le sable et la mer. Il faut être sur la plage pour l’apercevoir. C’est une longue bâtisse au toit ondulé comme les dunes, recouvert de terre et d’herbe. Devant la maison, ou plutôt les petites maisons en enfilade, des terrasses en dur, de la même couleur que le sable. Tout cela se confond harmonieusement avec le paysage tout en dégageant une impression de confort cossu. Effectivement, l’intérieur est magnifique. De belles grandes pièces avec des murs en crépis, des carrelages en grès de couleurs chaudes, des poutres et des encadrements de porte en bois précieux et des seuils en cuivre. Les pièces s’enfilent les unes après les autres sur la longueur, elles ont toutes des fenêtres sur la plage; entre elles, des petites halls qui distribuent des pièces qui s’enfoncent plus loin sous la terre. Salles de bains, WC, buanderie, débarras, garde-manger. La lumière arrive dans ces pièces par des regards au plafond et un système de réfraction de la lumière. Dehors, les regards sont dissimulés dans les herbes.

J’adore. C’est totalement ce que j’aime et je fais le tour de la maison en m’exclamant sur tout. La cuisine est divine. Un bloc moderne, pratique, digne des plus grands restaurants. La salle à manger est spacieuse, avec de trois grandes tables en chêne garnies de bancs et de chaises. Devant les baies vitrées, des fauteuils et des tables basses, à l’intérieur et à l’extérieur sur une grande terrasse. La pièce est chaude en hiver, fraîche en été. La terrasse peut-être recouverte d’une tente aux heures les plus chaudes.

Les chambres d’hôtes sont de véritables petits appartements. Il y a un grand lit et un lit gigogne qui fait d’abord office de divan à côté d’une table basse, un grand dressing, une kitchenette avec un frigo et de quoi se faire un petit repas simple dans l’intimité. Un bureau et sur le mur, un écran géant avec accès internet où l’on peut soit surfer sur le web, consulter son mail ou visionner un film. La salle de bains, c’est le meilleur. Entièrement carrelée en grès lisse, le sol est en béton ciré doux comme du velours. La douche est italienne, on peut facilement s’y tenir à deux. La baignoire est à bulles, les double lavabos sont encastrés dans un bloc de grès différent de celui des murs et en parfaite harmonie.

— C’est le grand luxe, dit Arnaud. Comment se fait-il que vous fassiez partie du Réseau? 

L’accueil est toujours gratuit dans le Réseau. Pierre nous raconte alors qu’il a travaillé dans l’hôtellerie de grand luxe pendant des années quand il a entendu parler du Réseau. Lui et Florence, sa femme, vivaient alors en Australie quand ils sont devenus grands-parents. Leurs enfants vivaient en France, et ils ont eu envie de revenir au pays. Ils ont alors vendu quelques propriétés et ont fait construire cette propriété à Valras. C’était un projet d’architecte d’abord prévu comme hôtel de luxe, effectivement. Et puis les choses ont cafouillé, Pierre ne nous en dit pas plus. Ils se sont retrouvés avec cette grande bâtisse sur les bras.

— Nous avions le choix entre faire venir des gens riches prêts à payer le prix du luxe ou rester seuls dans cette grande maison. Un soir, on se promenait sur la plage, et Florence me dit: «Tu imagines la jet-set sur cette plage?». On s’est mis à visualiser la transformation de l’endroit, des clubs, des boîtes de nuit, probablement une marina remplie de yachts… C’était soudainement inconcevable. C’est alors que nous avons entendu parler du Réseau et nous n’avons pas hésité.
— L’entretien ne coûte-t-il pas horriblement cher?
— Mais non, au contraire, dit Florence. Plus les matières sont nobles, mieux elles tiennent le coup. Le deal est le même que dans toutes les maisons du Réseau, ce sont les occupants qui entretiennent. Quand ils voient la beauté de la maison, ils sont encore plus soigneux, c’est amusant. Il y a encore beaucoup de gens qui s’étonnent que ce soit gratuit. C’est fou comme nous n’avons pas encore intégré que chacun a bien le droit de vivre dans le grand luxe. J’adore pouvoir offrir cela à tous.
— Zut, on ne reste qu’une nuit, dit Ana.
— Vous reviendrez, vous n’êtes pas très loin.
— Promis! Et on vous enverra du monde.


Nous passons la soirée à leur raconter notre projet qui les intéresse beaucoup. Ils nous demandent les coordonnées de la maison pour en parler autour d’eux et promettent de venir nous voir bientôt.















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