Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

jeudi 12 février 2015

Jour 79

LE RÊVE

Nous sommes toujours installés autour de la table, débarrassée et nettoyée magiquement. C’est l’impression que ça donne quand les choses sont faites parce qu’elles doivent être faites. Qui a empilé les assiettes, qui les a rangées dans le lave-vaisselle, je ne saurais le dire. Je me suis levée et j’ai rangé des bouteilles et puis j’ai proposé une tisane que je sers. Viviane est restée assise, lourde d’un poids qui lui pèse de longue date. L’attention va vers elle, nous lui témoignons notre compassion. Le va-et-vient du rangement a brassé l’atmosphère et dissipé la lourdeur. Nous voilà à nouveau tous assis à table autour d’une tisane chaude et de Viviane qui continue à exprimer son mal de vivre. L’écoute active que nous lui prodiguons lui est thérapeutique. Elle va plus loin dans la confidence qu’elle ne l’a encore jamais fait.

— As-tu peur de ton père? demande Zee de sa voix douce.

Il a mis dans le mille. Elle se met à pleurer en silence. De grosses larmes coulent le long de ses joues, et elle renifle. Ana lui passe un mouchoir tandis que Pablo rapproche sa chaise et met son bras sur ses épaules.

— Oui, il me fait peur, mais je ne sais pas pourquoi, il n’est jamais méchant, dit-elle en séchant ses larmes. Il ne crie jamais, c’est d’ailleurs quand il est le plus calme qu’il me fait le plus peur.
— Attends, mais il y a de quoi, dit Ana. Il est glaçant, c’est un tyran.

Viviane la regarde avec des grands yeux. Que quelqu’un d’extérieur à elle constate un danger l’étonne, d’abord, puis la liquéfie de soulagement ensuite.

— C’est vrai?
— Mais oui, c’est vrai, dis-je. Je vais t’avouer qu’au début, quand tu parlais de tes parents, je me disais que tu devais exagérer, que c’était une rebelle en toi qui les voyait peut-être pires que ce qu’ils sont, mais aujourd’hui, je te le confirme, ton père est grave.

Elle pleure encore, de soulagement, cette fois. Comme si enfin, elle avait de quoi résoudre son problème. Ce qui est le cas, car depuis tout à l’heure qu’elle se livre, il apparaît qu’elle se sent la coupable de l’histoire. La mauvaise fille qui ne peut satisfaire les attentes d’un père autoritaire, exigeant, peut-être, mais juste.

Et c’est là que le cas est vraiment pervers car, effectivement, Charles a une morale irréprochable. Quand il énonce l’un de ses dogmes, il repose sur une éthique solide et inattaquable, mais il abuse de son pouvoir personnel sous couvert de cette morale. Il faut un sacré discernement pour le voir, et Viviane est trop jeune et trop influencée pour faire la part des choses. Elle a cependant une grande intuition qui indique que quelque chose ne tourne pas rond, et c’est ce qui est en train de provoquer chez elle une grosse angoisse qui la mènera à la névrose si ça continue. C’est ce que nous lui faisons comprendre maintenant.

— Quoi, il faudrait que je quitte mes parents, alors?
— Bah, tu vas bien les quitter un jour, dit Pablo avec beaucoup de pragmatisme.
— Non, pas besoin de changer la configuration de ta vie, dit Arnaud. Il faut comprendre plusieurs choses. D’abord, tu ne changeras pas tes parents. Il faut l’accepter. Ils ont le droit d’être comme ils sont, personne ne peut juger. Donc, il faut trouver ce que tu peux changer en toi pour que la situation change.
— Quoi ? demande-t-elle avidement.
— Je crains que toi seule aies la réponse à cette question. Mais on peut t’aider à la trouver. Il faut d’abord que tu te trouves toi-même. Que tu saches qui tu es, ce que tu veux, ce que tu aimes, sans l’influence des autres. Ça va être très bien pour toi de passer un mois avec nous, après cela, tu verras je suis sûre que tu auras des pistes. Un jour après l’autre. Pour l’instant, tu restes. On va tâcher de passer une jolie journée demain, et on verra ensuite. Pour l’instant, dis-toi que tu es en sécurité. Au fil des jours, on tâchera de comprendre avec toi quelle est cette peur et comment la surmonter. Tout te sera restitué.

Son visage vient de changer en quelques minutes. Ses traits se sont détendus, elle est un peu pâle d’avoir traversé une grosse émotion, mais une lumière supplémentaire semble l’illuminer de l’intérieur.

— Merci. Pfou, je suis fatiguée, je vais aller me coucher.

Nous lui faisons des gros hugs, des bisoux, lui souhaitons bonne nuit. Avec Pablo, ils rejoignent leur chambre dans le ranch. Il n’est pas très tard, Zee a allumé un feu. Pas qu’il ne fasse vraiment froid…

— C’est surtout pour réchauffer nos âmes, commente-t-il.

J’adore ce garçon. Il parle à bon escient, jamais de discours oiseux et inutile, il agit de même. Il sait quand offrir à boire ou à manger, peu importe l’heure, il est toujours à l’heure du bon moment. Ce feu, par exemple, est pile ce qu’il nous fallait pour recentrer et réharmoniser les énergies qui furent bien bousculées tout au long de la journée.

— J’ai vu que tu discutais un moment avec Charles, aujourd’hui, dis-je à Arnaud, tu as réussi à le sonder un peu?
— Ce mec est une huître. Il refuse de s’ouvrir. J’ai essayé, je lui ai posé des questions, mais il ne s’est pas livré. Je n’ai pas insisté. Il a tout de même posé encore des questions sur le Réseau et sur notre fonctionnement. Ça m’a un peu fait l’effet de me mettre à nu devant lui refusait de se déshabiller, mais j’ai dégagé ce léger malaise et j’ai raconté. Il avait l’air d’y réfléchir, tout de même. On ne sait jamais, les graines qu’on sème, si et comment elles vont germer.







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