Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

jeudi 5 février 2015

Jour 72

LE RÊVE

Nous prenons le petit déjeuner sur cette terrasse de rêve devant cette maison de rêve, sur cette plage de rêve. Je ne cesse pas de m’émerveiller devant les réalisations des hommes quand ils sont de bonne volonté. Je suis émue, le nez dans ma tasse de café. Arnaud me voit troublée.

— Qu’est-ce qui se passe?
— Rien. Ou plutôt tout: je suis heureuse. Depuis mon adolescence, je crois, je me suis sentie étrangère. D’abord dans ma famille, puis dans mon pays. Alors je suis allée voir ailleurs, et c’était pareil. Il y a eu un moment, dans les années septante et quatre-vingts, où ça s’annonçait bien. Make love not war, peace and love. Beau programme qui me plaisait bien. Et puis ça a bifurqué et c’est devenu très moche. Quand mes enfants ont eu vingt ans, je me suis demandé où était passé ce beau monde qui s’était profilé? Comment on en était arrivé là? J’ai œuvré de mon mieux pour rectifier les choses, j’ai mis toute mon énergie à créer un monde de paix. C’était chevillé en moi, je ne pouvais pas faire autrement, même si j’avais l’impression de vider un océan à la petite cuillère. Comme le colibri du petit conte, je faisais ma part. Je me croyais plus ou moins seule, et puis internet nous a rassemblés. Oh que non, je n’étais pas seule, mais nous n’étions qu’une minorité de lumineux étiquetés new age et vaguement méprisés pour notre naïveté. J’ai tenu bon. Je te dis, je ne pouvais pas faire autrement, si je lâchais cet espoir, cette foi en l’humain, je me flinguais. Littéralement. Si vraiment « l’homme sera toujours un loup l’homme », alors cette vie, cette planète ne m’intéressent pas. Je n’ai rien à faire ici. Même dans mes moments les plus noirs, la lumière était là. Je suis sûre que tu sais de quoi je parle.
— Et comment!
— Et regarde où nous sommes aujourd’hui? Le grand luxe gratuit, à la portée de tous. La cocréation, l’entraide, la solidarité, le partage et enfin, le bonheur à portée de tous. Quel chemin parcouru et en si peu de temps.
— Tu as raison.

Mon émotion est contagieuse, je le vois ému aussi, mon Arnaud. L’eau dans ses yeux est totalement craquante, ma boule dans la gorge grossit encore. Je prends une grande inspiration.

— Non, mais je ne voulais pas te faire pleurer, attends, c’est bien, tout cela! dis-je.
— C’est magnifique, et d’abord je ne pleure pas, je suis ému, et merci pour cette belle émotion. Tu as raison de le souligner, on ne devrait jamais considérer « tout cela » comme acquis, c’est beau, ce qui nous arrive.
— Je crois que c’est cela que je trouve le plus beau: comment on change, et comment le nouveau est intégré, et tout le monde trouve tout normal. Le monde a la mémoire courte. Finalement, c’est une bonne chose.

Tout le monde est levé, repu, nous saluons nos hôtes et reprenons la route. Je me promets de revenir pendant l’été profiter de ce magnifique endroit.

Nous arrivons dans la maison d’Arnaud en fin de matinée. Il faut encore aller déposer la voiture à Alès. Après avoir ouvert les fenêtres et les portes en grand, chacun choisit sa chambre et dépose ses affaires, et puis Arnaud et moi partons pour Alès, lui dans la voiture à rendre, moi dans la voiture qui était dans le garage, pour pouvoir le ramener ensuite. Nous en profitons pour faire quelques courses et il est treize heures quand nous sommes de retour. Nous improvisons un pique-nique sur la terrasse.

— Vous avez fait le tour de la maison, demande Arnaud?
— Oui, ça va être très bien, dit Zee. J’ai déjà imaginé une ou deux choses…
— Attends de voir le reste, dit Arnaud. La propriété est grande, il y a une autre petite maison derrière la haie, là, et plus loin, deux granges qu’on peut également aménager. Il va y avoir du travail, mais c’est plutôt bien. Ça sera le prétexte pour faire venir les gens.

C’est un très joli mas cévenol en pierre avec un toit en tuiles de terre cuite. Il y a une maison principale avec une grande cuisine et une grande salle de séjour, toutes les deux traversantes. Deux bâtiments de chaque côté viennent former une cour intérieure par laquelle on arrive. De l’autre côté, la terrasse qui donne sur un grand pan de terrain qui se termine à la rivière. Là, une petite plage de galets et un méandre doux du Gardon dans lequel il fait bon se baigner en été sans danger. La terrasse est carrelée de grandes dalles de grès beige dont je tombe instantanément amoureuse. Elle est couverte d’une treille sur un tiers.

— La vigne a crevé, dit Arnaud en observant les restes de végétation sur la structure. Il faudra replanter.
— Si on y mettait des roses, dis-je? J’adore les roses.

Il me regarde d’un air faussement outré:

— Ah ben à peine arrivée, tu veux déjà tout révolutionner! Change la déco, pendant que tu y es!
— C’est bien mon intention, dis-je. Figure-toi que c’est le coup de foudre. J’attendais de voir la maison pour être totalement décidée. Si elle ne m’avait pas plu, je n’aurais pas pu m’engager dans le projet. Mais là, c’est bon. Je marche à 100%. Je suis même vachement contente.
— Attends, tu n’as pas tout vu, dit-il d’un air mystérieux.

Il nous emmène derrière la haie visiter la petite maison. En fait, c’est une ancienne écurie transformée en habitation et la maison n’est pas si petite! Elle est seulement sur un étage, ce qui contraste avec le mas principal. Il y a là douze chambres les unes à côté des autres avec petite terrasse devant chacune. Chacune a une petite salle de bains avec douche et son terminal informatique avec accès internet. Un couloir dessert les chambres et au bout, la cuisine. Ou ce qui sera la cuisine, car c’est là qu'il faudra aménager. Pour l’instant, c’est une grande pièce vide avec une dalle en béton.

— C’était quoi, avant? demande Ana.
— Une sellerie. C’était de la terre battue, j’y ai fait couler la dalle la dernière fois que j’ai pris le temps de faire des travaux. Tout seul, je n’étais guère motivé. J’ai eu envie de voir du monde, et je suis parti dans le Réseau. J’ai bien fait, puisque je vous ai trouvés, dit-il souriant. Donc ici, je pensais aménager une grande cuisine et une salle de réunion. On peut mettre des tables ici, des fauteuils et canapés là, et j’aimerais bien y mettre une cheminée. Il faudra commencer par le chauffage au sol.
— Tu vas chauffer avec quoi, du solaire? demande Zee.
— Attends, tu vas voir, répond Arnaud. Donc, ici, on pourrait accueillir les ados. Les parents, j’imaginais qu’ils pourraient être dans les deux granges. Venez voir…











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